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jusqu’à Pontoise. Sa Majesté britannique répondit si bien aux honnêtetés que lui firent les Majestés françaises, que ce fut à qui s’en ferait le plus; et si le neveu fut ravi de voir sa tante, il est aisé de croire que la tante ne le fut pas moins de voir son neveu.

Depuis un honneur si sublime
On dit que Pontoise s’estime,
Et qu’elle veut aller du pair
Avec les villes du bel air.
On dit même que sa rivière
Était ce jour-là toute fière...


Elle était si fière, si triomphante, cette aimable rivière d’Oise, qu’elle ne pouvait s’arracher à ce spectacle. Le poète la décrit allant, venant, tantôt remontant vers sa source pour passer une fois de plus devant le roi, tantôt ralentissant sa marche afin de prolonger son plaisir, sans nul souci de ce qu’elle doit à Neptune. Il affirme enfin

Qu’en des endroits l’eau paresseuse
Faisait tout exprès la dormeuse,
Et qu’elle serait encor là,
N’était que le roi s’en alla.


Est-ce un trait de satire, une contrefaçon piquante des hyperboles de cour? on serait d’abord tenté de le croire. Mais non, il ne fait que rire et gazouiller sans intention moqueuse. Il parle sur le même ton des souffrances de la reine mère Anne d’Autriche, et du mal qui faillit emporter le roi d’Espagne Philippe IV, père de la reine de France. Il est vrai que les deux augustes malades sont rétablis et que leur guérison peut s’annoncer gaîment. Ensuite viennent des nouvelles de l’intérieur et de l’extérieur, la préparation du grand travail qui joindra la Méditerranée à l’Océan, les exploits du duc de Beaufort contre les corsaires barbaresques, un tremblement de terre dans la Calabre, tout cela présenté de la façon la plus comique. Il y a surtout, à propos de la victoire navale du duc de Beaufort, le récit d’un duel héroïquement burlesque entre un More et un chrétien, récit qui rappelle certaines pages du Typhon et dont eût raffolé Théophile Gautier. Le More a perdu le bras gauche et la jambe droite, le chrétien a perdu le bras droit et la jambe gauche. Ainsi accommodées, ces deux moitiés d’homme recommencent la lutte à cloche-pied. Le chrétien, pour diminuer l’avantage de son adversaire à qui le bras droit reste encore, lui tranche le pouce d’un coup de sabre. Le More, sans faiblir, appelle tout haut ses autres doigts à la vengeance de ce pouce, leur vaillant