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solide de l’enseignement moral. Les organisateurs de ces écoles ne se trouvent point ici en présence de ces rivalités de sectes qui tendent de plus en plus à imposer à l’enseignement des écoles primaires nationales un caractère non pas laïque, mais neutre (unsectarian). Les parens de presque tous ces enfans appartiennent à la religion anglicane ou n’ont point de religion du tout, et peu leur importe celle dans laquelle leurs enfans seront élevés. Il y a cependant une exception à faire en ce qui concerne les enfans irlandais, qui forment dans ces écoles une minorité parfois assez importante. Sachant l’attachement que même dans la condition la plus dégradée les Irlandais conservent pour leur religion, les autorités paroissiales se font un scrupule honorable d’élever les petits Irlandais dans une religion différente. Il en résulte quelquefois une situation embarrassante. Lorsqu’un prêtre catholique demeure dans les environs, il peut venir librement donner aux enfans de sa communion l’instruction religieuse; mais lorsqu’il n’y a pas de prêtre aux alentours, ces enfans se trouvent dans un dénûment spirituel à peu près absolu. On comprend que cette situation éveille la sollicitude des autorités ecclésiastiques, et que le cardinal Manning soit depuis longtemps en instance pour obtenir, au moins dans le district de la métropole, la création d’une école spéciale pour les enfans catholiques. Jusqu’à présent les unions qui ont beaucoup d’enfans catholiques ont tourné la difficulté en les plaçant dans des écoles libres, mais certifiées, auxquelles une somme fixe est payée par tête d’enfant. C’est ainsi qu’un certain nombre d’enfans catholiques venant des paroisses de Londres sont élevés dans l’orphelinat de Sainte-Marie par des frères belges de la Miséricorde, et qu’un certain nombre de jeunes filles, d’origine métropolitaine également, sont reçues dans un couvent tenu par des religieuses dont la maison-mère est en Normandie, à Notre-Dame-de-la-Délivrance. J’ai visité cet établissement, élégante construction située aux environs du Palais de Cristal, où l’aspect sévère d’un couvent s’allie au confortable intelligent d’une villa anglaise. J’ai eu ainsi le spectacle curieux d’un monastère rigoureusement cloîtré dans ce pays dont la devise menaçante a été si longtemps : no popery. J’étais accompagné dans cette visite, tout à fait improvisée, par un fonctionnaire élevé du gouvernement local, le docteur Bridges, auquel je dois personnellement beaucoup de reconnaissance pour la bonne grâce avec laquelle il a favorisé mes visites et mes recherches. A vrai dire, en considérant dans le parloir d’attente l’épaisseur des barreaux de fer entre-croisés qui formaient la clôture, je n’étais pas sans inquiétude sur notre réception, et comme mon compagnon était décidé, par un scrupule plein de délicatesse, à ne pas faire, en vertu de ses