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réforme devait, à ce double égard, restreindre en la délimitant cette justice anormale pour ne lui laisser que ce que les mœurs et le culte national ne permettent point de lui soustraire. C’est là aussi ce qu’avait en vue le gouvernement, au moins pour la seconde catégorie d’affaires soumises à la juridiction de l’église, pour les procès de divorce. Quant aux causes spéciales au clergé, il n’est pas question de les enlever à ses tribunaux.

Les prêtres et moines doivent rester soumis à la juridiction ecclésiastique, non-seulement pour les fautes disciplinaires commises dans l’exercice de leurs fonctions, pour les contraventions aux règlemens de l’église non prévues dans le code pénal, mais aussi pour certaines contestations entre les membres du clergé et même, d’après les textes assez vagues des projets de réforme, pour certains délits qui, tout en étant poursuivis par les lois ordinaires, sont avant tout des infractions aux règlemens de l’église. Comme la plupart des délits qui conduisent les autres Russes devant les juges de paix sont une violation des lois religieuses aussi bien que des lois civiles, le prêtre pourrait s’autoriser de semblables formules pour n’être le plus souvent traduit que devant ses propres tribunaux, c’est-à-dire devant des supérieurs dont l’esprit de corps pourrait bien faire pour lui autant des protecteurs que des juges. Comme le militaire ne relève que des tribunaux militaires, le prêtre serait jugé par les tribunaux ecclésiastiques qui, dans ses différends avec des hommes d’une autre classe, pourraient parfois lui témoigner une partiale indulgence. La réforme annoncée consacrerait ainsi une fâcheuse atteinte au principe de l’égalité devant la loi. La justice ecclésiastique perdrait au contraire tout caractère de privilège, si elle était réduite à ne juger que les infractions des membres du clergé aux devoirs de leur profession et aux règlemens de l’église, si, au lieu d’offrir aux prêtres une sorte d’abri contre les justes revendications des laïques, ces tribunaux, restreints à un rôle purement disciplinaire, n’avaient d’autres Jonctions que d’assurer dans le clergé l’observation des lois ecclésiastiques, tout en donnant au prêtre orthodoxe ce qui fait défaut au prêtre catholique dans la plupart des états modernes, un juge entre ses supérieurs et lui, un recours contre les excès de l’arbitraire épiscopal.

Plus heureuse que l’église latine, l’église russe est demeurée en possession de prononcer sur les causes de validité ou de nullité de mariage. Certaines de ces causes, telles que les cas de bigamie ou de mariage par contrainte, sont aujourd’hui soumises à une double procédure, devant être portées à la fois devant les tribunaux laïques et devant les tribunaux ecclésiastiques. D’autres, telles que les procès