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font que préserver les enfans du vagabondage en leur offrant un asile à une époque critique de leur vie. Mais il y a dans l’existence de certains enfans une période plus critique encore : c’est celle où ils ont commencé à contracter de mauvaises habitudes, où l’école les rebute, où la rue les attire, et où ils n’échappent à la main de la police que parce que son action indulgente ne s’abat sur les enfans qu’en cas d’absolue nécessité. Pour ceux-là il faut des asiles spéciaux qui, sans être une prison, les contiennent cependant sous une discipline déjà sévère, où leurs mauvais instincts soient combattus par l’influence religieuse, et leur éducation arriérée, parfois absolument nulle, refaite de fond en comble. Ces asiles ne sont pas rares à Paris, et ils tendent à se multiplier. Dès aujourd’hui on peut citer comme des spécimens excellens, quant à l’intention qui a présidé à leur création, suffisans quant à leur organisation intérieure que le défaut de ressources ne leur permet pas de développer beaucoup : pour les garçons, la maison de Notre-Dame-Préservatrice, située rue Lhomond, l’asile-école Fénelon, situé à Vaujours, dans le département de Seine-et-Oise, mais spécial pour les enfans de Paris, l’asile de jeunes garçons annexé à la maison de convalescence de la rue de Sèvres, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler ; pour les filles, l’ouvroir de Notre-Dame-de-la-Miséricorde, situé rue de Vaugirard et dirigé par les sœurs de Marie-Joseph, l’œuvre de la préservation de la rue de Vanves, la classe de préservation du couvent du Bon-Pasteur de Conflans, dont la maison mère est à Angers et qui compte 120 établissemens du même genre dispersés dans les cinq parties du monde. Mais de toutes ces institutions, celle qui répond le mieux à la destination de recueillir les enfans vagabonds, c’est la maison de Bethléem.

Cette maison, située dans le haut de la me Notre-Dame-des-Champs, est la seule dans Paris qui ouvre sa porte nuit et jour à toute femme ou petite fille qui vient tirer le cordon de la cloche placée à l’entrée d’un étroit passage, justifiant ainsi cette parole échappée un jour à la fondatrice. Mlle Jeanvrain : « La meilleure recommandation pour être admise à Bethléem, c’est de n’en point avoir. » Par exemple il ne faut point que les nouvelles arrivantes, ni même les pensionnaires plus anciennes, soient difficiles sur les conditions de leur installation. L’œuvre a été aménagée dans une vieille maison de maraîcher, dont on a tiré parti comme on a pu, mettant à profit les moindres recoins. Pour l’agrandir, on a construit dans le jardin de véritables cahutes en planches dont l’une sert de communauté aux sœurs du tiers-ordre de Saint-François, qui assistent la fondatrice. Dans l’autre sont enfermées pour deux ou trois jours les nouvelles arrivantes jusqu’à ce qu’on ait pu recueillir quelques renseignemens sur leur compte. La propreté n’est