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quelle proportion ? Ici encore toute évaluation, qu’elle s’élève à 5 ou 50 pour 100, est absolument arbitraire. Personne n’en sait ni n’en saura jamais rien, et il vaut mieux s’abstenir que d’apporter une apparence de précision dans des matières qui n’en comportent point.

À ce renseignement tiré de la statistique de l’enseignement primaire, on peut en ajouter un autre qui n’est point sans intérêt au point de vue de la condition morale où vivent un assez grand nombre d’enfans de Paris : c’est le chiffre des naissances illégitimes. On s’afflige avec raison de la proportion considérable de ces naissances à Paris : 1 naissance illégitime sur 2,78 naissances légitimes en 1877, et on s’en va répétant un peu légèrement que ce chiffre augmente tous les ans, augmentation que l’on donne comme un signe de la perversité des temps. Heureusement il n’en est rien. Depuis dix ans, le chiffre des naissances illégitimes diminue à Paris. Il était en 1866 de 15,510, et depuis cette année, avec certaines fluctuations, il a été plutôt en décroissant. En 1877, le chiffre des naissances illégitimes à Paris s’est élevé à 14,616. Au lieu d’exagérer le mal, on ferait mieux d’en rechercher la cause et de se demander si elle n’est pas en partie dans la complication excessive des garanties et des formalités dont le code civil entend faire précéder la cérémonie du mariage. « Le mariage est chose difficile dans notre condition, » me disait un jour un malheureux, et il ne faisait qu’affirmer là une vérité dont les légistes de profession devraient bien se préoccuper. Mieux vaudrait peut-être en effet prendre moins de précautions contre la bigamie ou contre les mariages trop rapides que favoriser indirectement le concubinat par l’exagération des formalités compliquée des exigences de la paperasserie administrative qui font du mariage un véritable luxe pour les classes pauvres. Sans insister sur ces considérations étrangères à mon sujet, je me bornerai à faire remarque)-ceci : sur les l4,616 enfans naturels nés en 1877, plus de 11,000 n’ont pas été reconnus. Or, sans prétendre que ces 11,000 enfans qui n’ont été reconnus ni par leur père ni par leur mère seront fatalement voués au vagabondage, on ne saurait méconnaître qu’un grand nombre d’entre eux, élevés dans le spectacle de l’immoralité, peu ou point surveillés, souvent maltraités par l’homme qui vit avec leur mère et qui n’est plus leur père, ne doivent fournir à cette armée du vice précoce un contingent qu’il est impossible d’évaluer, mais qui doit être considérable.

Je ne m’arrêterai pas davantage à rechercher quel peut être le nombre des enfans qui se livrent ainsi dans Paris à la mendicité et au vagabondage. Je me bornerai à ajouter que, s’il ne faut pas dissimuler l’existence du mal, il ne faut pas non plus en exagérer