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Suisse ou le Portugal, et il n’est pas un diplomate qui ne s’empressât de reconnaître leur existence officielle dans tous les traités. Est-ce à dire que les fueros doivent et peuvent durer ? Sincèrement je ne le crois pas. Il faudrait n’être pas né Français, ne pas savoir tout ce que la révolution, bien qu’exagérant les idées centralisatrices, a détruit d’injustes barrières et de préjugés odieux, n’avoir pas senti, grâce à elle, se resserrer ces liens qui établissent entre des compatriotes comme une association fraternelle, pour ne point souhaiter que l’Espagne jouisse elle aussi des mêmes bienfaits. Mais je voudrais qu’ici la réforme eût lieu sans secousse : summum jus, summa injuria, l’excès du droit fait l’extrême injustice, dit un axiome bien connu. Or il n’est pas douteux que certains privilèges que défendent les Basques ne soient en désaccord complet avec les conditions d’existence des sociétés modernes ; il n’est pas douteux non plus qu’ils n’aient retiré et ne retirent encore de leur alliance avec l’Espagne de très grands bénéfices. Eh ! quoi ! pour en profiter, n’ont-ils pas eux-mêmes, en mainte occasion, consenti de bonne grâce à modifier leurs fueros ? Par exemple ont-ils protesté contre le décret des cortès de Cadix abolissant, chez eux comme en toute l’Espagne, les redevances seigneuriales ? De plus s’ils paient de leurs deniers le clergé paroissial et les chemins communaux, l’entretien des routes générales et le traitement de l’évêque de Vitoria ne restent-ils pas toujours à la charge de l’état ? C’est l’état qui a contribué pour une bonne part à la construction de leurs voies ferrées ; l’état qui les couvre de son pavillon en tous lieux et qui prend sur lui de venger leurs querelles comme il arrivai dans la guerre de 1865 engagée contre le Pérou à propos d’injures faites à des commerçans vascongades ; l’état, qui entretient chez eux et à leur profit les postes, les télégraphes, les phares, la garde civile. Enfin les Basque, sont reçus dans toutes les écoles et toutes les administrations du gouvernement, ils sont admis à tous les honneurs, à tous les emplois au même titre que les autres Espagnols ; si donc ils vivent avec l’Espagne dans des rapports aussi étroits, si même ils y trouvent leur avantage, pourquoi refuseraient-ils de faire à leur tour quelques concessions ? On ne veut point leur imposer de joug odieux ni d’obligations serviles, tout ce qu’on leur demande c’est de se plier à la loi commune, c’est de partager les mêmes charges qui sont celles de leurs nationaux.

A la vérité, je reviens ici sur une question déjà vidée ; depuis la loi du 21 juin les fueros n’existent plus et toutes les provinces de la monarchie espagnole sont uniformément soumises ; au même régime ; et pourtant, le dirai-je ? rien n’est vraiment fait encore tant que les Basques n’auront pas eux-mêmes souscrit aux mesures qu’on leur impose, tant qu’il existera entre les populations des deux rives