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REVUE. — CHRONIQUE.


ESSAIS ET NOTICES.


La Poésie des Ottomans, par Mme Dora d’Istria, 1 vol. in-18 ; Maisonneuve.

Née à Bucharest, fille du prince Michel Ghika, Mme Dora d’Istria appartient ainsi par le sang et par son éducation première à ces races de l’Europe orientale que notre siècle a vu se réveiller et réclamer leur place au soleil, après un si long temps de misères et de souffrances, de silencieuse et morne obscurité ; mais ce vif et curieux esprit, avide d’apprendre, avide de se répandre au dehors, s’est de bonne heure senti attiré vers l’Occident. Aussitôt que les circonstances l’ont permis, c’est à l’Occident qu’elle est venue demander de nobles amitiés, les charmes d’une retraite ouverte à toutes les idées neuves et généreuses, le plaisir d’élever la voix en faveur de toutes les nobles causes et de trouver de l’écho. La principale préoccupation de Mme Dora d’Istria, dès qu’elle a tenu une plume, a été de rapprocher l’Orient de l’Occident, d’assurer nos sympathies à nos frères orientaux en nous les faisant mieux connaître. C’est de cette pensée que se sont inspirés les premiers de ses écrits, dont la liste, déjà longue, est placée en tête de ce volume et témoigne d’une singulière activité.

Dans les études qu’elle a consacrées, ici même et ailleurs, à ces races de l’Orient dont elle parlait la langue et dont elle nous disait les douleurs et les espérances, Mme Dora d’Istria n’a pu s’empêcher de faire une large place aux effusions poétiques de ces peuples, à leur poésie populaire et à leur poésie savante. Des travaux qui avaient d’abord plutôt un caractère politique et moral l’ont ainsi conduite peu à peu à ce qui serait plutôt de la critique et de l’histoire littéraire. Une chose l’a surtout frappée, ce sont les étroits rapports qui rattachent les uns aux autres, chez tous les peuples, malgré les différences de race et de langue, les thèmes principaux de la poésie populaire et ces contes dont les frères Grimm ont les premiers senti l’intérêt et le charme, ressemblances qui s’expliquent d’un côté par l’identité de la nature humaine, partout la même, de l’autre par des communications et des échanges dont la trace n’échappe pas toujours à l’histoire. C’est ainsi que Mme Dora d’Istria en est venue à étudier ici même, dans une série de travaux dont on n’a pas perdu le souvenir, les Nationalités de la péninsule orientale d’après les chants populaires (1859-1867), puis, plus récemment, la Poésie populaire des Turcs orientaux. Ce dernier essai lui a donné l’idée de celui qu’elle publie aujourd’hui.

En effet, si, comme elle le remarque dans sa préface, les Slaves de la péninsule n’ont guère eu jusqu’à nos jours que les chants du peuple, la poésie des lettrés est dans l’empire ottoman d’une fort grande ri-