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Fontaine-au-Roi et de la rue Saint-Maur, non loin de cette rue Basfroi où, dans la journée du 18 mars, le comité central, réuni en conseil de guerre, avait pris les dispositions qui lui assurèrent la victoire. La dernière barricade, appuyée d’une soixantaine de fédérés, était commandée, non par un membre de la commune, mais par un clerc d’huissier, nommé Louis-Fortuné Piat ; il s’était bien battu et avait prouvé ainsi qu’il ne doit pas être confondu avec Félix Pyat, le dramaturge romantique. Comprenant que la résistance était devenue inutile, sentant l’armée française victorieuse de l’insurrection, Louis Piat arbora un mouchoir blanc au bout d’un fusil et se rendit aux troupes de ligne ; il était alors une heure après midi.

Elle avait pris fin, cette horrible guerre, dont la victoire ne déplaçait aucune responsabilité ; le gouvernement légal, qui venait de triompher après une lutte de deux mois, terminée par une bataille de sept jours, ressemblait quelque peu à un pompier forcé d’éteindre l’incendie qu’il a laissé allumer par incurie ou par insouciance. Les hommes qui depuis le mois de septembre avaient eu à diriger la garde nationale pouvaient faire un retour douloureux sur eux-mêmes et voir où mènent les compromis avec un peuple armé, surexcité et livré à ses propres instincts. Les uns étaient coupables d’avoir laissé inutiles des forces que l’ennemi aurait dû rencontrer devant lui ; les autres, d’avoir oublié la France blessée, la nation envahie et de n’avoir pensé qu’à leurs chimères politiques ; tous de n’avoir pas compris qu’en présence de l’Allemagne exigeante, les bras et les cœurs du pays devaient agir de concert, frapper au même point, battre de la même pulsation et dédaigner, comme misérable et honteux, tout ce qui n’était pas œuvre de délivrance. Faute d’abnégation, pour n’avoir pas su s’abstraire de rêveries coupables, pour ne s’être pas inspirée de l’esprit de sacrifice qui seul fait les grandes actions, la population révolutionnaire de Paris et ceux dont elle suivait l’impulsion, ceux qui auraient dû la garder, ont commis un des plus grands crimes que notre histoire ait eu à enregistrer.

Si la révolte fut odieuse et dépassa toute mesure, la répression fut terrible. « Dans ces fautes et ces châtimens collectifs que la raison politique commande, a dit le comte de Serres, il y a toujours forcément plus de malheureux que de coupables. » Les exécutions sommaires faites pendant et après la bataille ont une fois de plus confirmé cette triste vérité. Ce ne fut pas l’équité qui frappa, ce fut la colère. Pendant que les principaux chefs de l’insurrection, munis de faux papiers d’identité préparés de longue main, nantis de l’argent économisé par voie de réquisition, trouvaient de sûrs asiles et passaient la frontière, les besoigneux qui, sous peine