Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait annoncé qu’il s’était fait justice lui-même. Voici dans quels termes Mégy rectifia l’erreur : « New-York, 8 décembre 1875 ; à monsieur le rédacteur du Sunday Mercury. — Monsieur, j’ignore où vous puisez les renseignemens que vous publiez dans votre journal ; quant à celui qui me concerne, c’est une mystification que je trouve mauvaise ; aussi je vous prie d’insérer ces lignes pour rétablir la vérité sur mon prétendu suicide. Quoique deux fois condamné, — à mort en France et au suicide par vous, — je suis encore vivant. Je ne suis pas plus mort que le jour où j’ai tué l’agent de police de l’empire qui voulait m’arrêter parce que j’étais républicain, pas plus que lorsque j’étais pour cette cause au bagne de Roulon, pas plus que le jour où j’arrêtais à Marseille le préfet Grosnier, pas plus que lorsque je commandais le fort d’Issy sous la commune, ou que je liquidais avec mon chassepot l’affaire en litige à la Roquette. Enfin je ne suis pas plus mort que le jour où je suis arrivé ici, et n’ai pas envie de mourir, au contraire ; c’est que j’espère vivre jusqu’au jour où je pourrai encore faire justice des assassins du peuple. — EDMOND MEGY, mécanicien, ex-gouverneur du fort d’Issy sous la commune. »

« L’affaire en litige » n’était qu’en partie « liquidée, » et les otages de la quatrième section qui avaient entendu l’appel des victimes, qui avaient ressenti au cœur le retentissement des feux de peloton, s’attendaient, toutes les fois que l’on ouvrait la grille ou que l’on passait dans le couloir, à être conduits à la mort. François lui-même était persuadé que tous les détenus de cette section étaient destinés à être fusillés ; parlant de l’un d’eux, il dit : « Celui-là sera de la seconde fournée, ce sera pour demain. » Il avait un ami parmi les otages renfermés à la quatrième section, un nommé Greff, venu de Mazas et incarcéré comme ancien agent secret. François voulait le sauver à tout prix ; aussi dans la soirée il le fit changer de section, précaution imprudente qui causa la mort de ce malheureux, compris dans le massacre de la rue Haxo. Les otages ne se faisaient donc aucune illusion et ils eurent un tressaillement pénible lorsqu’au milieu de la nuit, ils entendirent plusieurs hommes entrer dans leur section, ouvrir des cellules et parler à voix basse. Heureusement qu’il n’était plus question d’assassinats, il ne s’agissait que de vols. Vérig, qui ne laissait jamais perdre une bonne occasion, un greffier de la Petite-Roquette, un deuxième grenier du dépôt des condamnés et le brigadier Ramain, éclairés par un surveillant, venaient s’assurer si l’héritage des victimes méritait d’être recueilli. Dans la cellule de l’abbé Allard et dans celle du père Ducoudray, on ne fut point content, on ne trouvait que « des soutanes de jésuites, » et cela ne paraissait pas suffisant. Dans la