Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
239
REVUE. — CHRONIQUE.

en Vendée; mais comment est-il venu à Paris? comment le paysan breton s’est-il transformé en conventionnel? L’auteur n’a garde de nous l’apprendre.

Et cependant ce drame n’est pas une œuvre vulgaire. Il suffit de quelques situations émouvantes pour donner la vie à certains personnages. Toute la pièce semble animée par un souffle généreux. Le style est sobre, net et ferme, et souvent il a de l’éclat. C’est un heureux début, auquel la jeunesse de l’auteur donne encore plus d’importance. — M. Coquelin, qui abordait pour la première fois un rôle de héros, s’en est tiré à son très grand honneur.


La reprise de Mauprat, qui avait été représenté à l’Odéon en 1853, vient d’avoir lieu sur la même scène, et nous devons nous borner pour aujourd’hui à constater le chaleureux accueil que lui a fait le public. L’espoir de George Sand, qui écrivait peu de mois avant sa mort que son drame de Mauprat pouvait obtenir un nouveau succès, se trouve donc réalisé, et l’auteur de François le Champi, de Claudie et du Marquis de Villemer eût été satisfait s’il lui avait été donné de voir avec quelle sympathique émotion le drame a été écouté à travers toutes ses péripéties. La pièce a réussi, et il n’en pouvait être autrement, car l’inspiration en est élevée, et George Sand a su créer pour la mise en scène de l’idée fondamentale des personnages pleins de vie. Mauprat, c’est la régénération d’une nature violente et grossière par l’amour. L’effet est grand; en quelques mots, les personnages révèlent les profondeurs de leur être. Il y a dans les principales scènes beaucoup de grâce ou de force, et l’action marche sans s’égarer. C’est du contraste même entre la gaîté du deuxième et du troisième acte et les sombres tableaux du premier et du cinquième, dans cette gradation d’élans sauvages et de rechutes, dans cette lutte de la volonté contre l’instinct, du bien contre le mal, enfin dans le développement partout apparent de l’idée morale, que naît l’intérêt du drame. On a pu lui reprocher de ne pas faire oublier le roman, mais, comme il n’en garde pas moins la marque d’un admirable écrivain, il n’est pas douteux que le drame de Mauprat ne fournisse encore une belle carrière.


Le Fils de Louis XV, dauphin de France, 1729-1765, par M. Emmanuel de Broglie.


Voici un livre modeste, écrit par une plume bien jeune, et d’une lecture agréable. La vie du dauphin, fils de Louis XV, est peu connue. L’école philosophique du XVIIIe siècle, la coterie toute-puissante du duc de