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LA GRÈCE, L’HELLÉNISME
ET
LA QUESTION D’ORIENT

Une des choses les plus singulières de l’imbroglio oriental, c’est l’attitude de la Grèce et des Grecs. Dans des pétitions adressées au sultan et aux ambassadeurs européens, les raïas grecs de la Thrace ou de la Macédoine demandent que l’on n’accorde point de privilèges aux provinces slaves, paraissant préférer les projets constitutionnels de la Porte aux propositions d’autonomie des puissances. Pendant ce temps, les Hellènes du royaume tiennent au Pnyx des meetings où, du haut de la tribune antique taillée dans le roc, les Démosthènes modernes provoquent les héritiers de Thémistocle à la délivrance de leurs frères encore asservis. Les chambres d’Athènes votent un emprunt de guerre, et les ministres du roi George envoient à la Porte un pacifique mémorandum où, sous condition, ils lui offrent leur amitié. D’un côté les Grecs semblent ainsi appuyer la politique turque et combattre la diplomatie moscovite; de l’autre ils se disposent à mettre en mouvement leurs derniers palikares et leur petite armée pour le cas où les troupes du sultan seraient occupées sur le Danube par les Russes. Quel est le mot de cette singulière énigme? Est-ce duplicité, est-ce indécision? L’explication est dans l’état intérieur du royaume de Grèce, et surtout dans la répartition géographique des Grecs, dans les intérêts séculaires de leur race, qui font d’eux les rivaux des Slaves du Balkan plus encore que les adversaires des Ottomans.


I.

Le royaume de Grèce, tel que l’a créé, il y a près d’un demi-siècle, la triple alliance de la France, de l’Angleterre et de la Russie, est une tête sans corps. Jamais peut-être la diplomatie, qui par métier