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LE
CANAL D’IRRIGATION DU RHÔNE

Depuis quelques années, la vallée du Rhône est frappée dans ses produits agricoles par des pertes croissantes et vraiment désastreuses. La production de la soie, à laquelle Lyon doit son importance manufacturière, constituait la seule ressource de la partie montagneuse de cette région. Ce sol pauvre, paraissant déshérité de toute culture lucrative, s’est trouvé admirablement propre à la végétation du mûrier, qui y donne à la soie une finesse sans égale. La population, d’abord misérable et clair-semée, commençait à s’accroître graduellement, avec les progrès de cette industrie, répandant autour d’elle une aisance agricole d’autant mieux appréciée qu’elle est plus lente à venir. Voilà qu’une néfaste épidémie envahit les magnaneries ; les vers languissent, meurent en grand nombre, ou ne filent qu’une soie médiocre, et les papillons déposent dans leurs œufs le germe du mal incurable. Les recherches les plus persévérantes restent infructueuses : M. Pasteur indique le moyen de reconnaître au microscope les papillons infestés dont la ponte est à rejeter; mais ce moyen de sélection, et non de guérison, ne suffit pas encore à rendre à cette industrie son ancienne prospérité. Jusqu’alors les importations de la Chine et du Japon n’avaient fourni qu’un modeste appoint aux belles soies du midi de la France; maintenant les rôles sont intervertis, au grand détriment de la fortune privée et des revenus du trésor.

La montagne redevenait pauvre, mais il restait ces beaux vignobles du Rhône, qui s’étagent d’abord sur la côte et finissent par s’étaler en plein soleil le long du littoral méditerranéen. Cette immense étendue de vignes, sans pareille au monde, voyait sa vermeille vendange plus abondante d’année en année. Tout à coup les pampres se flétrissent comme épuisés, et le vigneron constate avec