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son tour les procédés directs, il n’avait point eu recours au seul moyen qui lui restait pour atteindre le but.

Sauf pour les fers, qui étaient taxés à 7 francs par 100 kilogrammes, ce qui représentait près de 40 pour 100 du prix des qualités les plus courantes, le traité s’était borné à poser en principe que les droits à payer en France par les produits anglais ne devaient pas dépasser 30 pour 100. Il restait donc à fixer le tarif pour les divers produits. Tel article pouvait, disait-on, réclamer le droit maximum de 30 pour 100, tel autre était en mesure de soutenir la concurrence anglaise avec un droit moindre : ici, le droit spécifique devait être facilement appliqué; là, il était préférable d’adopter le droit ad valorem. Ces mesures d’application étaient, à vrai dire, plus importantes que ne l’était le traité lui-même, car, en se réservant la faculté d’élever jusqu’à 30 pour 100 le tarif de chaque produit, le gouvernement français avait sauvegardé les intérêts les plus vulnérables et les plus défians, et il avait le moyen de garantir à l’industrie nationale une protection plus forte que celle dont les tarifs de Colbert et les projets de l’ancienne monarchie avaient jugé nécessaire de la couvrir. Toute la question était de combiner les droits nouveaux de manière à développer les échanges entre les deux pays contractans, sans exposer l’industrie française aux périls d’une concurrence trop inégale : question d’appréciation et de mesure, qui ne pouvait être résolue que par une enquête sur les diverses industries, sur chacun des articles du nouveau tarif. Il fut immédiatement procédé à ce travail par les soins du conseil supérieur de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. « Jamais enquête aussi approfondie n’avait eu lieu en France, dit M. Amé. Le ministre du commerce avait voulu fournir au conseil supérieur des élémens complets d’information. Il avait convoqué non-seulement les hommes les plus accrédités dans chaque branche du travail national, mais encore les sommités industrielles de l’Angleterre, de la Belgique et de la Suisse. Pendant près de quatre mois, toutes les situations purent faire entendre leurs vœux, indiquer leurs besoins, manifester leurs espérances ou leurs appréhensions... Les procès-verbaux du conseil supérieur resteront l’expression la plus vraie de l’état de l’industrie française en 1860, dans ses relations avec la concurrence étrangère. » Ce témoignage de M. Amé, qui fut appelé par ses fonctions à prendre une part importante aux travaux du conseil supérieur, répond suffisamment aux critiques dont l’enquête a été l’objet. On a allégué que les tarifs avaient été fixés arbitrairement, après une étude incomplète et superficielle. Les principaux documens ont cependant été publiés et ne forment pas moins de huit volumes, qui ont eu malheureusement le sort