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au gouvernement de tenter même le rétablissement des tarifs de 1791. Au point de vue politique, les libéraux étaient dominés par l’exemple de l’Angleterre, dont les doctrines parlementaires s’accordaient encore parfaitement avec l’application la plus étroite du système prohibitif. Enfin, au point de vue social, la restauration, bien qu’elle n’eût point la pensée de rétablir tout ce qui avait été détruit de l’ancien régime, jugeait désirable et croyait possible de reconstituer les grandes influences aristocratiques, fondées sur la propriété du sol. Le tarif des douanes fut employé à cette fin. En protégeant par des prohibitions ou par des taxes élevées les produits de la terre, on accordait une prime au capital et aux revenus fonciers. La faveur dont jouissait l’industrie était étendue à l’agriculture, et elle devait surtout profiter à une classe sociale que les traditions, la communauté d’intérêts et l’esprit de conservation rattachaient particulièrement à l’ordre de choses qui venait d’être restauré.

De 1814 à 1826, on ne compte pas moins de dix grandes lois de douanes dont M. Amé, en rapporteur impartial, a retracé les longs débats. Prohibitions multipliées, taxes excessives, pénalités draconiennes contre les fraudeurs, tels sont les traits successifs, et constamment aggravés, de la législation nouvelle, qui mettait de nouveau la France en état de blocus et tendait à l’isoler complètement de l’étranger. Chaque année amenait une loi qui augmentait le tarif des douanes, où devait figurer, comme dans une encyclopédie, tout ce que la nature produit, tout ce que confectionne le travail humain. Aucun article ne fut oublié. De cette période datent les droits énormes sur les fers, sur les laines, sur les bestiaux, etc. On semblait vouloir au début user d’une certaine modération ; lorsqu’on releva en 1814 le droit sur les fers en le portant à 50 pour 100, on convint que ce ne serait qu’une législation transitoire, destinée seulement à encourager la reprise de l’industrie métallurgique; quelques années plus tard, cette taxe transitoire fut doublée et dépassa le taux de 100 pour 100 ; on pouvait évaluer à 50 millions de francs la surcharge annuelle qu’elle faisait peser sur la consommation nationale, et à cette époque les chemins de fer, les navires en fer, etc., n’existaient pas encore! La protection, réclamée par les maîtres de forges, visait avant tout les propriétaires de forêts, le travail des métaux s’effectuant alors exclusivement au bois. De même, c’était l’intérêt de la propriété agricole qui dictait les surtaxes appliquées à tous les produits, même aux denrées alimentaires, aux céréales, aux bestiaux, etc., que les tarifs antérieurs avaient toujours ménagés.

Pour assurer l’application à ce régime, il fallait recourir à une procédure et à des pénalités exceptionnelles; soustraits aux tribunaux