Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/487

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SOUVENIRS D’ENFANCE

II.
PRIERE SUR L'ACROPOLE
LE BONHOMME SYSTEME ET LA PETITE NOEMI.


I

Je n’ai commencé d’avoir des souvenirs que fort tard. L’impérieux devoir qui m’obligea, durant les années de ma jeunesse, à résoudre pour mon compte, non avec le laisser-aller du spéculatif, mais avec la fièvre de celui qui lutte pour la vie, les plus hauts problèmes de la philosophie et de la religion ne me laissait pas un quart d’heure pour regarder en arrière. Jeté ensuite dans le courant de mon siècle, que j’ignorais totalement, je me trouvai en face d’un spectacle en réalité aussi nouveau pour moi que le serait la société de Saturne ou de Vénus pour ceux à qui il serait donné de la voir. Je trouvais tout cela faible, inférieur moralement à ce que j’avais vu à Issy et à Saint-Sulpice ; cependant la supériorité de science et de critiques d’hommes tels qu’Eugène Burnouf, l’incomparable vie qui s’exhalait de la conversation de M. Cousin, la grande rénovation que l’Allemagne opérait dans presque toutes les sciences historiques, puis les voyages, puis l’ardeur de produire, m’entraînèrent et ne me permirent pas de songer à des années qui étaient déjà loin de moi. Mon séjour en Syrie m’éloigna encore davantage de mes anciens souvenirs. Les sensations entièrement nouvelles que j’y trouvai, les visions que j’y eus d’un monde divin étranger à nos froides et mélancoliques contrées, m’absorbèrent tout entier. Mes rêves, pendant quelque temps, furent la chaîne brûlée de Galaad, le pic de