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Serbie, telle qu’elle était avant la guerre, n’est pas mise en doute ; c’est déjà un point admis dans les négociations préliminaires, et des conditions qui seront fixées, sanctionnées par toutes les puissances, ne peuvent rencontrer une résistance sérieuse de la part du gouvernement turc, elles s’imposeront d’elles-mêmes.

La difficulté, la vraie difficulté pour la conférence de Constantinople commencera le jour où l’on en viendra aux conditions d’existence et aux garanties qu’on veut assurer à la Bosnie, à l’Herzégovine, à la Bulgarie ; elle sera dans la définition, dans l’application pratique de cette « autonomie » qui a été invoquée comme un principe de négociation, que la Russie interprète sans doute d’une manière assez large, sur laquelle l’Autriche a déjà demandé des éclaircissemens, et que lord Derby a tenu à préciser en quelques mots : «… un système d’institutions locales qui donneraient aux populations quelque droit de contrôler leurs propres affaires domestiques et des garanties contre toute espèce d’autorité arbitraire. » La première condition, si on veut éviter de s’égarer, est d’avoir un point de départ dans la négociation qui va s’engager, et ce point de départ ne peut être que dans les traités. M. Disraeli, qui garde son esprit sous son nom nouveau de lord Beaconsfield, disait récemment avec une ironique assurance : « Cela m’amuse quelquefois d’entendre parler du grand traité de Paris comme d’un traité négocié il y a vingt ans, et comme tel ayant droit au respect, mais ne pouvant être considéré comme un instrument régulateur de la conduite des gouvernemens. .. Ce traité a été révisé, il est vrai ; il a été révisé et refait dans des circonstances qui donnent à cette révision un caractère solennel, et ce traité établit comme la meilleure garantie de la paix de l’Europe le maintien de l’intégrité et de l’indépendance de l’empire ottoman. Voilà qui est le premier objet poursuivi par nous !.. » Le traité de Paris reste donc toujours pour l’Angleterre le vrai et unique point de départ, et avec le traité de Paris la Porte est nécessairement associée aux délibérations dont elle est l’objet, puisqu’elle a été admise dans le concert des grandes puissances ; les combinaisons qui peuvent être adoptées doivent, au moins jusqu’à un certain point, être subordonnées au principe de l’intégrité de l’empire.

Que la Turquie, dans sa situation délabrée, menacée et toujours menaçante, donne le droit d’imposer des conditions, d’exiger des garanties, d’assurer l’efficacité des mesures qui doivent être adoptées dans l’intérêt des populations orientales et de la paix, ce n’est point douteux. C’est un droit exceptionnel qui résulte d’une situation exceptionnelle, qu’il s’agit de concilier avec un autre droit, avec un principe reconnu, lui aussi, comme une garantie invariable de l’équilibre universel. C’est une question de mesure, de bonne volonté, et sans sortir de la limite des transactions internationales qui règlent les rapports de l’Orient et de l’Occident, en se rattachant au contraire à ces transactions, la con-