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Le caractère particulier des savans britanniques se reconnaît encore dans les statuts de la Société géologique qu’ils créèrent en 1807. Certain jour, à l’instigation du docteur Babington, quelques hommes, dont l’étude des terrains était l’occupation favorite, convinrent de s’associer pour mettre en commun leurs travaux, leurs observations. Ils étaient treize au début; c’était le premier vendredi de chaque mois qu’ils se donnaient rendez-vous dans une taverne à cinq heures de l’après-midi. Après un bon dîner, la séance s’ouvrait. On se communiquait ce que chacun avait vu de son côté; on s’entendait pour de nouvelles excursions. La théorie pure, les hypothèses, en un mot, semblent n’avoir tenu aucune place dans ces réunions. Tout y avait le caractère d’une science expérimentale. On y apportait de curieux échantillons de roches et de minéraux, si bien que la société eut assez vite les élémens d’un petit musée. Ses ressources augmentèrent parce que ses membres devenaient plus nombreux. Il y eut moyen alors de publier les mémoires lus en séance sous la forme de compactes in-quarto, comme le fait au-delà de la Manche toute compagnie savante qui veut être considérée. Murchison fut admis en 1824 dans ce cénacle. Buckland, l’explorateur sagace des cavernes, en était président; Lyell, dont la réputation a tant grandi plus tard, alors simple homme de loi, en était secrétaire. L’ancien capitaine de dragons, dont les goûts étaient bien changés, trouva tout de suite le plus grand charme dans ces études sérieuses et dans ce monde savant où figuraient du reste des hommes d’une valeur incontestable, tels que Wollaston et Davy. Une nouvelle existence commence pour lui dès cette époque : l’hiver, il habite Londres, n’ayant d’autres plaisirs que de rédiger des dissertations ou de les lire à ses doctes amis; l’été, il part en expédition dans les montagnes, tantôt avec sa femme, tantôt avec Sedgwick ou Lyell, tantôt en Écosse, tantôt en Suisse ou en Allemagne. Tant d’ardeur fut vite récompensée. En 1826, il était élu membre de la Société royale, distinction flatteuse que l’on gagnait plus aisément en ce temps qu’aujourd’hui. Davy, qui présidait cette année-là, ne lui cacha pas que cette élection ne se justifiait pas précisément par son mérite personnel, mais qu’on l’avait choisi parce que la société aimait à s’attacher des hommes riches, oisifs, qui avaient le goût des recherches scientifiques et les moyens de s’y livrer. En même temps, il devenait secrétaire de la Société géologique, et cinq ans après il en était élu président.

Il y a peu à dire des premiers travaux de Murchison, si ce n’est que cette élévation rapide au premier rang des géologues anglais tenait surtout à des aptitudes qui s’allient rarement à la vocation scientifique. On a dit de lui plus tard que nul n’occupait mieux le