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de sous-lieutenant après deux années au moins d’études. Elle contient aujourd’hui 150 élèves de première année, 150 de seconde année, auxquels 65 professeurs japonais, 5 officiers et 3 sous-officiers français donnent une instruction théorique et pratique. Pas plus que les autres employés étrangers, les membres de la mission ni leur chef n’ont dans le conseil une autorité décisive, mais leurs avis ont l’influence qui s’attache à leur position de fonctionnaires français, à leur constitution officielle en corps hiérarchique, et, comme ils sont les mieux écoutés, ils ont obtenu les meilleurs résultats. L’armée japonaise a fait preuve de courage et d’énergie à Formose, où elle a eu à lutter contre le pire des ennemis, un climat mortel ; elle attend avec impatience l’occasion de se mesurer avec un ennemi extérieur. Sera-t-elle alors aussi redoutable qu’elle paraît bien organisée dans une parade ? Nous savons tous à nos dépens que le courage des soldats et l’instruction des officiers ne suffisent pas à une armée en campagne, qu’il lui faut avant tout une administration prévoyante et une direction générale éclairée. Or administrateurs et généraux en sont encore à faire leurs preuves. Quoi qu’il en soit, le Japon possède dès à présent un instrument défensif avec lequel un ennemi, quel qu’il fût, aurait sérieusement à compter. L’effectif ordinaire s’élève à environ 25,000 hommes ; il pourrait d’ailleurs être, indéfiniment augmenté par l’application de la nouvelle loi militaire, sur laquelle nous reviendrons bientôt.

Une marine est toujours plus lente à former qu’une armée. L’école est dirigée par des officiers anglais qui se consacrent principalement à l’instruction théorique ; instructeurs et sous-instructeurs. atteignent le chiffre de 32 ; ils ont 240 élèves, plus des bataillons d’infanterie de marine ; mais ils ne sont pas appelés à commander les navires de l’état et à faire faire à leurs aspirans de véritables croisières. Les Chinois montrent en cela plus de confiance et plus de lumières : on voyait dernièrement entrer dans la rade de Yokohama une frégate sortie de leurs arsenaux et commandée par un capitaine de la marine britannique, en route pour son tour du monde, à la tête de son école. Ce qui manque le plus à la marine japonaise, ce sont des navires de guerre ; elle s’est procuré un cuirassé américain, le Stone-Wall, et des paquebots dont elle a fait des transports ; mais son budget ne lui permet pas d’élever la flotte au-dessus de 16 navires, dont un seul est blindé.

Dans la sphère législative, comme dans celle de l’éducation nationale et plus encore, le Japon a procédé jusqu’ici par essais timides, par tâtonnemens un peu incohérens, plutôt que par des réformes d’ensemble, opérées suivant un plan arrêté et un système défini. D’une part l’anarchie des bureaux, reflet de celle des esprits, de l’autre la résistance des intérêts froissés, ont retardé et