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aussitôt de leurs cachettes. Une lutte acharnée s’engagea, le camp fut enlevé, « et tout ce qui restait encore d’hommes, de femmes et d’enfans, fut recherché et mis à mort. »

Citons encore ce second fait, qu’on peut donner comme un modèle accompli de parjure. Une bande d’Osages inoffensifs errait dans les plaines du Kansas à la recherche des daims et des buffles. Leur chasse terminée, et au moment où ils allaient regagner leur campement en emportant leurs peaux et leurs viandes de buffle, un nuage de poussière s’élève à l’horizon : ce sont quarante cavaliers blancs appartenant à la milice du Kansas et commandés par un certain capitaine Rickers. Les Osages, embarrassés de leurs provisions, de leurs femmes et de leurs enfans, ne pouvaient songer à fuir ; deux des leurs s’avancèrent donc en parlementaires au-devant des blancs, qui leur donnent les témoignages d’amitié les plus rassurans et les invitent à venir au milieu d’eux comme convives bienvenus. Les confians Osages acceptent cette invitation, déposent leurs armes et mettent leurs chevaux au repos. Lorsque la bande est désarmée au complet, Rickers fait un signe à ses hommes, les carabines s’abaissent, et quatre Osages tombent morts ; le reste de la bande s’enfuit comme elle peut, laissant derrière elle chevaux, armes et provisions. Un agent pour les affaires indiennes, irrité par ce massacre, s’adresse au capitaine Rickers pour en connaître les auteurs. « Vous demandez qui a tué les quatre Osages ? répond Rickers insolemment, c’est nous qui avons tué les Osages, et nous sommes bien résolus à tuer cette vermine partout où nous la rencontrerons dans notre état. » L’agent s’adresse alors à l’autorité suprême du Kansas, le gouverneur Osborn. Osborn répond que le capitaine Rickers est porteur d’une commission qui lui enjoint de traiter comme hostiles toutes les bandes d’Indiens trouvées dans l’état. On examine ladite commission, elle portait une date postérieure de dix jours au massacre, et en conséquence avait été expressément faite pour la circonstance. Comme d’ordinaire les sauvages manquent de bonne foi, le capitaine Rickers et le gouverneur Osborn peuvent dire pour leur défense qu’ils n’ont fait que payer les Indiens avec leur propre monnaie. Cela est bien possible ; seulement on peut répondre que cette morale-là est précisément celle des Peaux-Rouges, dont ils se font les élèves et les émules en la pratiquant, mais qu’elle est en contradiction flagrante avec la morale de la race blanche, qui n’a pas encore admis qu’il fût permis de manquer à la foi jurée, même envers des sauvages.

Ce sont bien là les leçons qu’enseignent le spectacle d’une habituelle férocité et les sentimens de colère et de vengeance qui s’élèvent par représailles dans les cœurs de ceux qui souffrent de brigandages sans cesse répétés, et en ce sens on peut dire en toute