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Les progrès et l’accroissement de puissance des outils agricoles ne datent réellement que des progrès mêmes de la métallurgie. C’est seulement en substituant le fer au bois que l’on a pu, vers le commencement de ce siècle, fouiller le sol plus énergiquement et obtenir de lui de plus abondantes récoltes. L’introduction en France des instrumens de culture perfectionnés ne remonte guère, au-delà de la fin de la restauration ; elle est due à Mathieu de Dombasle, ce bienfaiteur de l’agriculture française.

Quand les instrumens agricoles sont mus par des animaux, la puissance s’en trouve bornée par les limites mêmes de la force de ces animaux. Pour aller au-delà, l’action de la vapeur doit être substituée à celle des chevaux ou des bœufs. Les premiers essais de l’emploi de ce moteur pour la culture ont été faits en Angleterre, dès le début de ce siècle ; mais, c’est seulement depuis une vingtaine d’années que la chose a passé dans le domaine de la pratique. Il est facile de se rendre compte du principe même de ce travail : une machine locomobile est amenée sur le bord du champ à cultiver ; elle met en mouvement un tambour autour duquel s’enroule un câble en fil d’acier qui tire soit une charrue, soit une herse, un rouleau ou un semoir. Dès que l’instrument est arrivé au terme de sa course, il change de cap et se trouve tiré par un second câble, qui est mû au moyen de poulies de renvoi. Tel est l’appareil le moins coûteux ; la locomobile pouvant servir aux divers travaux intérieurs de la ferme, les autres engins sont seuls imputables en totalité au prix de revient de la culture à vapeur. Mais ce mode de transmission de mouvement est fort compliqué, quelque ingénieuses que soient les dispositions inventées par les constructeurs anglais tels, que MM. Howard, Fowler, Fisken, car ils sont habiles et nombreux, les fabricans anglais qui cherchent la solution pratique et économique de ce grand problème, avec une ardeur bien justifiée par la faveur publique s’attachant en Angleterre au labourage à vapeur. Pour obtenir un travail plus rapide et plus énergique, on a été conduit à l’emploi d’un double moteur ; alors deux locomobiles se postent parallèlement à chaque extrémité du champ, tirant alternativement la charrue et avançant d’un pas à chaque nouveau sillon.

Pour adapter les instrumens aratoires à la culture à vapeur, il a fallu créer des types nouveaux, de charrues, de herses et de semoirs, bien autrement puissans et coûteux que les anciens outils, auxquels ils ressemblent à peu près comme ces magnifiques paquebots traversant l’océan ressemblent aux modestes caravelles de Christophe Colomb qui l’ont passé les premières. À ce point de vue de l’outillage, la perfection semble atteinte dans la culture à vapeur. Les progrès à réaliser doivent désormais porter sur la mise en mouvement ; il y a encore place à de grandes améliorations quant à la simplicité, au prix des appareils et à l’utilisation de la vapeur.