Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noncent son nom du bout des lèvres, en la livrant à son malheureux sort et en se promettant de pousser à la révision le plus promptement possible. Voilà les listes et les programmes qui ont particulièrement les faveurs administratives, et de toutes les combinaisons la plus merveilleuse, la plus inattendue, est encore celle qui réunit dans une fraternelle candidature M. Batbie et un des fidèles du régime napoléonien. Un des journaux conservateurs du Gers n’a pu dissimuler son étonnement, mais c’est ainsi que les choses doivent se passer pour l’honneur de l’union conservatrice ! Dans la Gironde, un des candidats préférés de la préfecture est un ancien sénateur de l’empire, M. Hubert-Delisle. Dans les départemens du centre, dans la Charente, dans la Normandie, un peu partout, c’est à peu près de même. Les candidatures bonapartistes n’ont pas toutes assurément les faveurs administratives ; il y en a malheureusement un assez grand nombre qui ne sont que faiblement combattues en haine des candidatures des partisans de la république, des constitutionnels, ou même de ces « faux modérés » qui ont le privilège d’exciter si vivement l’humeur soupçonneuse de M. le vice-président du conseil.

On ne peut pourtant pas agir autrement, dit-on, c’est inévitable. Les bonapartistes sont nombreux dans le pays, surtout dans certains départemens. Sans leur appui, que devient le succès de l’union conservatrice ? Tout ce qu’on peut faire, c’est de limiter leur influence, de tempérer leurs impatiences, de ne leur livrer que quelques positions dans la place en échange de leurs votes. Nous connaissons bien ces explications ; mais après tout, s’il en était ainsi, à qui donc en serait la faute ? qui donc a contribué à relever ces influences avec lesquelles on se croit obligé maintenant de négocier et de traiter ? Qu’on se souvienne un peu : moins de trois ans après la guerre de 1870, deux ans tout au plus après la fatale et inévitable paix de 1871, un ministre de l’empire se retrouvait dans les conseils de la république. Presque partout les maires du régime impérial rentraient dans leurs fonctions. Trop souvent les pratiques administratives de l’ère napoléonienne ont été réhabilitées par ceux-là mêmes qui en avaient souffert, qui ont cru pouvoir se servir de ces armes dont ils avaient été blessés. Après un vote solennel de déchéance condamnant un gouvernement comme coupable des désastres de la France, on en est venu à effacer à demi ce vote, à parler avec moins de sévérité de ce gouvernement, à ne plus le considérer que comme un de ces régimes tombés qui ont laissé des souvenirs, des regrets, des espérances, des affections légitimes. Aujourd’hui encore on hésite à prononcer une parole qui eût été certainement de circonstance, qui était attendue, et pendant que M. le président de la république fait un appel honorable, peut-être malheureusement peu efficace, à l’abnégation de ceux qui mettent les intérêts du pays au-dessus de leurs préférences,