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quelques assemblées provinciales ou cantonales. Les chroniques n’en mentionnent jamais, et elles ne racontent aucun de ces faits qui en feraient supposer l’existence. Les textes législatifs signalent fréquemment le mall, qu’ils appellent aussi un plaid du comte, mais ce qu’ils en disent ne donne pas l’idée d’une assemblée qui serait indépendante du comte et qui aurait pour mission de contrôler ou de surveiller sa conduite. Le mall n’a aucun pouvoir bien défini ; on ne le voit jamais agir par lui-même ni prendre une décision. Il n’administre même pas les intérêts locaux ; on n’aperçoit jamais nul indice d’opposition ni même de liberté[1]. Les documens montrent même que les populations étaient loin d’être attachées à cette institution et qu’elles la regardaient comme une charge. On y voit que le comte ne réunissait guère le mall que pour avoir un motif de frapper d’amende les absens, et que les hommes aimaient encore mieux payer quelque argent que de s’y rendre. Charlemagne les dispensa d’y assister. Ainsi le prince et le peuple furent d’accord pour faire disparaître un usage dont les esprits ne comprenaient plus l’importance.

Au-dessus des comtes et des ducs, il y avait des fonctionnaires que l’on appelait les envoyés du maître, missi dominici. Ils étaient choisis avec soin par le prince et n’avaient qu’une mission de courte durée. Chacun d’eux, dans la région qu’il avait à parcourir, devait surveiller la conduite des comtes et des autres agens royaux, examiner leur gestion, recevoir les plaintes et les appels portés contre eux. Ils partaient chaque année du palais de l’empereur avec des instructions rédigées par lui ; ils y revenaient avec un rapport qu’ils mettaient sous ses yeux. Leur principal devoir était de s’assurer que ses volontés étaient exécutées pleinement. Comme ils le représentaient, ils étaient armés de tous les pouvoirs. Finances, justice, service militaire, discipline ecclésiastique, ils avaient la main sur toute Eux aussi, ils convoquaient des plaids ; mais ces plaids ne se composaient pas de la population libre et ne ressemblaient pas à des assemblées provinciales, ils étaient formés des fonctionnaires de la province, des comtes, des vicaires, des centeniers, des vassaux. Le commissaire impérial réunissait autour de lui tous ces personnages pour les interroger, pour leur faire rendre leurs comptes, et aussi pour leur faire connaître les instructions du prince. Il devait enfin mettre à profit ces réunions pour s’informer de l’état du pays, des désordres qui étaient à réprimer, des améliorations qu’on pouvait introduire.

  1. Il y a dans le recueil des capitulaires (Baluze, t. II, p. 114) une lettre des évêques qui décrit le pouvoir des comtes et montre jusqu’où allait leur autorité. Il ressort de cette lettre avec une pleine évidence qu’il n’y avait auprès du comte aucune assemblée qui pût poser des bornes à son pouvoir.