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exerce, qu’il doit exercer, lui impose un autre devoir, c’est d’élever sans cesse l’enseignement qu’il distribue en son nom ; mais ici c’est l’affaire de M. le ministre de l’instruction publique, qui n’a pas paru jusqu’ici d’une manière des plus brillantes, dont l’intervention ne serait pas cependant de trop dans une discussion où tous les intérêts de l’état et de la société sont en jeu.

La France et l’assemblée nationale, la politique et les lettres viennent de perdre un homme qui a été jusqu’au bout l’honneur de son temps et de son pays. M. Charles de Rémusat a été enlevé au monde qu’il aimait et dont, il était aimé par une courte maladie. Il est mort presque debout, n’ayant pas connu le déclin, sentant à peine le poids de l’âge, passant de ses occupations oui de ses distractions habituelles dans l’inconnu, dans cet inconnu que sa pensée pénétrante interrogea plus d’une fois. La veille encore, il allait à Versailles, remplissant fidèlement son devoir de député, il allait à l’Académie, où il discutait avec sa vivacité ingénieuse sur la langue, et il prenait même son plaisir à l’Opéra ; il y a quelques jours tout au plus, il publiait un livre sur la philosophie anglaise : un courant d’air a suffi pour avoir raison de cette verte vieillesse, et ce qu’on peut dire de mieux de cet homme si éminent et si séduisant, c’est que jamais la place qu’il occupait dans la société française n’a paru plus grande, que le jour où il l’a laissée vide. Il est mort entouré de considération et de sympathies ; ne laissant après lui que des regrets et pas une inimitié ; C’est qu’en effet cette existence qui vient de s’éteindre a été une des plus droites, une des plus loyales dans un siècle de versatilités et de contradictions. Politique, philosophe ou écrivain, M. de Rémusat a été un de ces hommes privilégiés ; qui peuvent ne point atteindre aux rôles exceptionnels, qui ne les ambitionnent même pas, mais qui savent conduire une vie, fût-ce une longue vie de près de quatre-vingts ans, sans fatigue, sans défaillance, avec une dignité simple et invariable devant laquelle expirent les haines.

M. de Rémusat datait de l’autre siècle, de 1797. Né d’un père qui fut un des fonctionnaires supérieurs du premier empire, et d’une mère qui tenait à la famille de M. de Vergennes, qui était aussi distinguée par le mérite que par la naissance ; formé dans l’atmosphère vivifiante de la restauration, doué d’un esprit à la fois mesuré et hardi qu’il devait à sa nature autant qu’à son éducation, il n’a cessé depuis sa jeunesse d’être mêlé à tous les mouvemens politiques et littéraires qui ont passionné la France. Il a été un des personnages de cette période heureuse qui a été suivie de tant de déceptions. M. de Rémusat commençait dès 1820 cette carrière publique, où il se rencontrait bientôt avec M. Guizot son aîné, puis avec M. Thiers et avec bien d’autres, — où à travers les vicissitudes l’homme n’a fait que grandir en s’affermissant dans ce qui a été sa première inspiration politique. Polémiste sous la restauration, député après 1830, sous-secrétaire d’état dans un cabinet conservateur,