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guerre ? Beaucoup d’entre eux au contraire y ont pris part avec nous dans les corps de francs-tireurs envoyés d’Algérie en France. En face des insurrections indigènes, il n’a jamais non plus existé que deux camps, sans distinction de nationalités : les chrétiens et les musulmans. Nous l’avons vu notamment en 1871, lorsqu’il s’est agi de mobiliser les milices coloniales pour combattre l’insurrection arabe ; les miliciens étrangers ont pris place dans les rangs des nôtres et ont bravement fait leur devoir.

En France, on est trop porté à plus mal penser d’eux qu’ils ne le méritent. Certes l’Algérie n’a pas eu à donner asile à des proscrits comme ceux que la révocation de l’édit de Nantes bannit de leurs foyers héréditaires. Trop heureuses les contrées où se réfugient de tels exilés, car, lorsque des populations doivent, pour se soustraire à un joug odieux, abandonner la terre natale, c’est l’élite qui émigre ! Ce que l’Algérie a reçu des autres pays par l’immigration est, il faut en convenir, fort mélangé. Il y a dans cet afflux, avec quelques capitalistes entreprenans et des naufragés politiques, des malheureux chassés de leur patrie par la misère et beaucoup d’aventuriers d’une moralité équivoque ; mais un fait digne de remarque, c’est que les plus imparfaits de ces élémens ne tardent souvent pas à s’améliorer en Algérie, parce qu’ils y trouvent du travail pour vivre et une police pour les surveiller. Cette double garantie universelle du bon ordre social, l’Algérie l’offre également aux bons et aux méchans. Une magistrature et une administration énergiques, servies par une police vigilante et bien organisée, y assurent le respect des personnes comme des propriétés. Les travaux des ports, des routes, des chemins de fer, des barrages, du bâtiment, de l’agriculture, y demandent une main-d’œuvre diverse et illimitée. L’offre restant toujours sous ce rapport fort inférieure aux besoins, le salaire des ouvriers s’élève à proportion et est très largement rémunérateur. L’étranger nous en fournit d’excellens, dont bon nombre s’adonnent à des tâches spéciales pour lesquelles les bras français font quelquefois défaut. C’est ainsi que dans la province d’Oran le périlleux travail de la mine s’effectue principalement par des Espagnols, que les terrassemens emploient beaucoup de Marocains, race laborieuse, douée d’une grande vigueur physique et l’une des plus belles du globe. Les Espagnols se livrent de même beaucoup au charroi, à la fabrication du charbon, industrie dans laquelle ils rencontrent les Arabes pour émules ; ils forment presque exclusivement le personnel des manufactures de tabac de la colonie ; le long de la côte, de Rachgoun à Cherchell, ils exercent en quelque sorte le monopole de la pêche ; enfin, lorsque, la guerre de sécession interrompant la production cotonnière en