Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/539

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tudor, entre autres une superbe série d’ouvrages sur vélin, enrichis d’enluminures, provenant des presses d’Antoine Vérard, de Paris, et donnés en présent à Henry VII. Ceux de ces volumes qui ne remontaient pas ainsi à des règnes antérieurs avaient été acquis par Henry, le fils aîné de Jacques Ier, pendant cette courte vie qui laissa tant de regrets et d’espérances déçues. Bentley, conservateur tout ensemble de la bibliothèque royale et de celle de Cotton provisoirement réunies, sentait avec sa vive intelligence quel parti on pouvait déjà tirer de ces élémens peu hétérogènes : « Il est aisé de prévoir, écrivait-il vers 1730, combien la gloire de notre nation serait relevée par la création d’une bibliothèque contenant toute sorte de livres et librement ouverte à tous ceux qui voudraient la consulter. » Une vingtaine d’années plus tard, deux des trustees chargés de veiller sur le noble héritage légué à la nation par la famille Cotton présentaient au parlement une pétition qui s’inspirait à peu près des mêmes pensées : ils remontraient que jusque-là, pendant près d’un demi-siècle, faute d’un bâtiment convenable et d’une demeure fixe, la bibliothèque était restée presque inutile au public, qu’elle avait été exposée, par plusieurs déménagemens, à toute sorte de dangers et qu’elle avait une fois couru le risque d’être complètement détruite par le feu ; ils demandaient que l’on commençât enfin les constructions en vue desquelles des fonds avaient été laissés par le major Edwards. « Nous sommes pleinement persuadés, ajoutaient-ils, qu’un édifice élevé sur un plan aussi imposant se remplira peu à peu par l’effet des libéralités privées, et qu’il deviendra bientôt un réservoir commun où conserver sans crainte toute espèce de curiosités, tout ce qui, dans son genre, est exquis et rare. De plus, une institution de cette sorte, affectée à l’usage du monde savant sera une nouveauté qui fera grand honneur à la nation ; ce sera un ornement qui manquait depuis longtemps à cette grande cité et un événement qui comptera dans l’histoire de notre temps. » Les pétitionnaires avaient un juste instinct de l’avenir ; le moment était venu où, pour former ce trésor national qu’ils devinaient et qu’ils semblaient entrevoir, allaient se réunir des collections de nature et d’origine diverses, fruit des goûts distingués de quelques grands seigneurs ou des recherches plus méthodiques de quelques savans.

Malgré son importance, la collection d’Arundel ne nous arrêtera pas ; c’est seulement en 1831 que, par suite d’un échange conclu avec la Société royale, les manuscrits qu’elle renfermait sont entrés au Musée-Britannique. Quant aux marbres, un grand nombre ont été égarés ou enfouis, quelques-uns même, paraît-il, changés en rouleaux pour égaliser ces pelouses anglaises dont le court et