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qu’auprès des squelettes masculins on ne découvre que l’empreinte de tissus grossiers, des restes de cuir tanné, ou encore sur l’épaule gauche la trace verdâtre laissée par l’oxydation d’une agrafe de bronze. Les autres trouvailles sont surtout des objets de bronze, des armes, des ornemens métalliques qui devaient former de belles ceintures militaires, des anneaux fixés au quatrième doigt de la main gauche et plus rarement des bracelets. En revanche, les parures abondent dans les sépultures de femmes : dans cinq kourganes, M. Ivanovski a trouvé des espèces de diadèmes en argent, partout des perles fausses, par milliers, de toute forme, de toute couleur, des grains de collier en verroteries, en cristal de roche, en terre cuite coloriée, de petites plaques rondes ou triangulaires en bronze, des bracelets qui ne sont pas fermés, afin de pouvoir se prêter à tous les poignets, et qui apparemment sont des objets d’importation, de la passementerie de bronze extrêmement compliquée et dans laquelle entrent comme motif d’ornementation des grelots. M. Ivanovski a recueilli en outre toute sorte de tissus végétaux, de laines, et même des étoffes de soie qui se sont mieux conservées que le reste et qui sont presque toutes de couleur cannelle. Sous les bracelets que les femmes portaient au poignet, il trouve parfois des traces de tissus, ce qui indiquerait qu’elles portaient des manches longues ; mais souvent il n’en trouve pas, et dans ce cas elles ont des bracelets au-dessus du coude, ce qui indique qu’elles allaient aussi les bras nus et parés. Cette variété d’objets permet de compléter les conjectures déjà ébauchées sur cette race d’hommes, en affirmant qu’ils commerçaient, qu’ils étaient même en relations plus ou moins directes avec l’Orient. Cette civilisation, qui est celle de l’âge de bronze, peut-on en déterminer plus précisément la date ? Les monnaies découvertes dans ces tombeaux sont du IXe, du Xe et même du XIe siècle. La question de race peut également se résoudre. Sans parler de la forme du crâne, ces hommes avaient les cheveux châtains ; les femmes les portaient d’au moins 2 pieds de long. Les observations anthropologiques s’accordent ici avec les données de l’histoire, qui nous montrent les Slaves établis en ce pays longtemps avant l’arrivée de Rurik. Ces tombeaux sont donc bien ceux des Slaves de l’Ilmen, fondateurs de Novgorod la Grande, maîtres des grands lacs, triomphateurs de la Baltique, créateurs de tant de colonies dans les déserts du nord. Ces révélations nouvelles sur leurs funérailles sont extrêmement précieuses. On voit que, si l’on immolait encore sur le corps d’un guerrier illustre quelque gracieuse compagne, on ne brûlait pas les corps : on ne réduisait en cendres que les animaux offerts en sacrifice. Ibn-Foszlan affirme que le mort était brûlé avec ses armes, ses parures et sa