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historique de Kief. On y a rassemblé les récits de tous les voyageurs qui aux diverses époques de sa prospérité ou de sa décadence ont visité l’ancienne capitale des Varègues, depuis Plan Carpin, qui y passa en 1246 pour aller visiter, au nom du pape Innocent IV, le khan des Mongols, jusqu’à l’ambassadeur de France, comte de Ségur, qui y accompagna en 1787 la cour à la fois sérieuse et légère de Catherine la Grande. Ces témoignages sont complétés par soixante-dix ou quatre-vingts documens, inédits pour la plupart et tirés des archives de Kief. M. Sréznevski avait donc lieu de rendre justice à l’initiative kiévienne constamment en éveil.

L’archéologie primitive a tenu une large place dans ce congrès. Une découverte destinée à faire sensation en Occident est celle dont rend compte un mémoire de M. Kaminski, maître dans un gymnase ou collège de petite ville. Un propriétaire de Gontsi, gouvernement de Poltawa, l’invita à examiner une trouvaille qu’on avait faite accidentellement dans son domaine. Il s’agissait d’ossemens de mammouth. M. Kaminski constata que ces débris se rencontraient dans la même couche de terre avec certains coquillages qui caractérisent nettement en Europe la période glaciaire, tels que le pupa muscarum, le succinea oblonga, l’helix hispida. On trouva au même endroit des silex taillés, type du Moustier, des espèces de couteau, des pointes de flèche à trois facettes, une aiguille ou alêne formée d’un os. Ainsi donc les théories qui n’admettent la présence de l’homme dans la Russie méridionale qu’à l’époque du renne et non pas à celle du mammouth, non pas pendant la période glaciaire, recevraient un démenti. M. Féofilaktof, professeur à l’université de Kief, est venu apporter aux résultats constatés par l’archéologie l’autorité de la science géologique. Il fait remarquer que ces os de mammouth, surtout les dents et une mâchoire inférieure, sont trop bien conservés pour qu’on puisse admettre qu’ils aient été transportés par l’action des eaux ; ils appartiennent donc bien à des pachydermes indigènes des terres ukrainiennes : ils y parurent avec l’homme dès que le sol débarrassé des glaces se couvrit de son premier gazon. M. Féofilaktof constate que parmi ces débris de mammouth il y a des os appartenant à six individus au moins : cet éléphant primitif était donc assez commun dans la Petite-Russie, et le chétif être humain, avec ses misérables armes de silex, lui faisait une guerre acharnée. Quant aux brisures des os, on pourrait douter qu’elles aient été faites de main d’homme, attendu que parmi ces débris on n’a jamais trouvé de marteaux ; mais les hardis chasseurs préhistoriques qui osèrent s’attaquer à ces énormes bêtes pour manger leur chair et sucer la moelle de leurs os ont simplement négligé d’oublier leurs marteaux, auxquels ils attachaient un grand prix,