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démontre à grands coups de citations que les deux légendes ne sont que des avatars d’un mythe antique. Cette plaisanterie, comme cette autre qui fait de l’empereur Napoléon un personnage fabuleux, un « héros solaire, » ne prouve qu’une chose, c’est que l’érudition sans critique aboutit, pour la mythologie aussi bien que pour l’ethnologie ou la philologie, à des assimilations absurdes ; mais ce serait méconnaître les conquêtes les plus sérieuses de la science moderne que de rejeter les principes mêmes sur lesquels repose la méthode de la mythologie comparée. Il est bien avéré aujourd’hui que les mythes des peuples de race indo-européenne ont un point de départ commun, ainsi que leurs langues ; ils sont sortis d’un naturalisme enfantin, qui attribuait une âme et une volonté aux astres du jour et de la nuit, aux phénomènes météorologiques tels que la lumière, les ténèbres, l’aurore, les crépuscules, la nue, l’orage, la pluie, le vent. Les puissances de la nature, l’imagination des premiers hommes les concevait comme des êtres vivans, sous des formes tantôt humaines, tantôt animales. Nous en avons la preuve dans les hymnes du Rigveda, où les divinités sont à chaque instant confondues avec l’expression pure et simple des météores célestes. La première phase de l’évolution historique du mythe est donc une : image ; puis cette image prend corps, se personnifie sous la figure mobile d’un héros ; enfin le héros s’idéalise et se dissout, pour ainsi dire, dans une divinité. C’est, après la phase humaine, la phase métaphysique ; mais le dieu n’est surhumain que dans sa céleste demeure ; dès qu’il redescend sur la terre, il se manifeste sous quelque brutale incarnation ou revêt la figure d’une idole.

C’est d’après ces idées que M. Angelo de Gubernatis a tenté d’exposer l’évolution de la mythologie védique dans son cours de l’Institut des hautes études à Florence. Nommé en 1863, à vingt-trois ans, professeur de sanscrit à cette école nouvellement créée, M. de Gubernatis n’a pas cessé depuis de se livrer avec ardeur aux recherches de la mythologie comparée, et de nombreux ouvrages, parmi lesquels il nous suffira de citer les Sowrces védiques de l’épopée (1867), les Études sur l’épopée indienne (1868), la Mythologie zoologique (1872), qui a été publiée d’abord en anglais, puis traduite en allemand et en français, témoignent abondamment du succès avec lequel le jeune professeur cultive cette branche si difficile de la science. Dans ses Lectures sur la mythologie védique, qu’il vient de réunir en volume, M. de Gubertanis a essayé pour la première fois de coordonner d’une manière méthodique les matériaux bigarrés qui composent la vaste mosaïque des mythes indiens, en consacrant un chapitre séparé à chacune des principales divinités de l’olympe des Védas.

Le premier des dieux, c’est le ciel, et son nom est Duo. . En le considérant sous ses aspects variés, l’imagination des hommes en dérive les divinisés multiples qui représentent les divers phénomènes aériens. Ces