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ce sera son cornac, l’éléphant doit apprendre à le connaître. Ce cornac le met à la portion congrue pendant quelques jours et s’amuse, en passant par le haut de la potence, à descendre sur son dos. L’animal ne peut s’en défendre, d’ailleurs il commence à s’habituer à cet homme qui s’occupe de lui ; bientôt on lui délie les pattes de derrière, de façon qu’il puisse reposer mieux, et l’on amène deux vieux mâles montés par des cornacs. Ceux-ci se placent l’un à droite, l’autre à gauche du captif, qui voit ainsi que l’éléphant se laisse monter et conduire sans en paraître pour cela plus malheureux. Enfin après quinze ou vingt jours de captivité, suivant le tempérament de l’animal, on lâche toutes ses chaînes et on l’emmène promener entre ses deux maîtres d’école. À partir de ce moment, on peut considérer le dressage comme terminé. Nous eûmes l’occasion de voir prendre quatre éléphans sauvages. Le vieux qui fut le premier pris ne résista pas à son nouveau régime et mourut avant que le jour de le détacher de sa potence ne fût venu ; inutile d’ajouter que jamais ces fêtes n’ont lieu sans que quelques victimes y laissent leur peau.

Il serait trop long de passer en revue tous les usages auxquels on peut appliquer les qualités de l’éléphant ; contentons-nous de le suivre sur les chantiers où l’on débite les troncs de bois de teck .venus en flottant sur la rivière. Disons tout de suite que chaque éléphant travailleur est monté par un cornac, dont le principal rôle consiste à exciter l’animal plutôt qu’à le diriger. À l’époque de la coupe des bois, les troncs arrivent au barrage en quantité supérieure à ce que peut débiter la scierie, laquelle travaille toute l’année ; ils s’entassent donc le long de la berge, il s’agit de les retirer de l’eau et de les mettre en tas suivant leur dimension, pour ensuite de là les prendre et les débiter au fur et à mesure du travail de la machine. Il y a trois tas, c’est-à-dire trois dimensions, les grands troncs, les moyens et les petits. Un premier éléphant est dans l’eau et a pour rôle de débrouiller successivement ces pièces de bois et de les amorcer une à une sur la berge ; on le voit examinant ce chaos et procédant à l’aide de ses défenses et de sa trompe pour dégager le tronc qu’il a destiné à être tiré à terre. Le tronc une fois amorcé sur la berge, un autre éléphant qui, celui-là, est le seul dont l’intelligence ne soit pas mise à l’épreuve, est attelé à la pièce de bois et la traîne sur le haut, où il la laisse. Alors arrivent deux autres animaux ; l’un d’eux, prenant le tronc par une extrémité, le soulève par sa trompe avec l’aide de sa défense, puis, marchant par le flanc, il entraîne son fardeau vers le tas auquel par ses dimensions il doit appartenir, tandis que son compagnon l’aide en poussant devant lui l’extrémité qui traîne à terre. Arrivé contre le tas,