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de la vallée du Nil ; pourquoi l’Européen s’étiole, se trouve impropre à toute reproduction, même par le croisement, dès qu’il se transporte sur ces mêmes rives, où le riant et fertile tableau de la nature cache pour lui seul, sous cette trompeuse apparence, la sombre perspective de la stérilité, des extinctions rapides et de la mort. En considérant cet ensemble de questions, nous nous demandons si sur les deux points les plus importans, les races primitives et les migrations, le dernier mot des discussions qui s’apprêtent ne nous ramènera pas à la sage réserve de Humboldt, et au système, plus respectueux envers la Providence qu’entaché de fatalisme, de Karl Ritter. On saura découvrir, disait le premier de ces maîtres, les sources des civilisations diverses, l’origine des institutions, la transmission des systèmes politiques et religieux dans les différens milieux et d’un hémisphère dans l’autre ; mais le premier berceau de l’homme, unique ou multiple, le secret de la diversité des races, ce sont des problèmes qu’on ne parviendra jamais à résoudre par les voies et les procédés ordinaires de la science. Ritter de son côté, — prenant pour objet de ses recherches l’homme dans la nature, donnée sur laquelle il a élevé le colossal édifice de sa Géographie de l’Asie, — avant même d’avoir étudié sur ce vaste théâtre les lentes évolutions de l’humanité et les ressources que les diverses régions de cette contrée offraient à son industrieuse activité, avait formulé d’avance sa conclusion dans son volume sur l’Afrique, sorte d’introduction et d’exposé de sa méthode : il croyait découvrir un magnifique et providentiel accord entre les besoins particuliers de chacune des races de la grande famille humaine et les richesses naturelles du sol, bien plus, entre la constitution physique de ces races et les conditions de climat de chaque pays. Que restera-t-il de ces théories ? L’avenir appartient-il aux doctrines contraires dont paraissent s’être si fort épris les crédules et enthousiastes partisans de l’universelle fusion et de la chimérique fraternité finale ? Peut-être la vérité se rencontrera-t-elle entre les deux systèmes, peut-être les lois de la transformation future des races et par suite des sociétés n’ont-elles et ne sauraient-elles avoir rien de général ni d’absolu, comme il arrive le plus souvent dans tout ce qui touche à l’incessante mobilité humaine et à la merveilleuse diversité de la nature. Une autre question que recommande un intérêt plus immédiat et plus étroit est ainsi conçue : « géographie médicale, phthisie pulmonaire, fièvre jaune, choléra. » Pour ce qui regarde ce dernier fléau, le travail est fait, et nous doutons fort qu’on puisse rien ajouter au remarquable rapport, si méthodiquement composé, si rempli de faits et si fermement écrit, qui a été récemment présenté par M. le docteur Barth à l’Académie de médecine de Paris.