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Il y a dans le traité du 25 août une clause qui mérite d’être louée sans réserve, c’est l’abolition de l’esclavage. Le plus grand avantage en est pour la Perse, dont la population frontière, décimée par les Turcomans pillards, va retrouver quelque tranquillité, et ce sera sans contredit un lien de plus entre cet état et l’empire russe. Seulement il est bon d’observer que cette institution séculaire ne se supprime pas d’un trait de plume dans un pays où les mœurs ne s’y prêtent point. L’émir de Bokhara s’était engagé, lui aussi, à ne plus permettre le honteux commerce des hommes ; il assurait même qu’il n’existait plus d’esclaves dans sa capitale, lorsqu’un diplomate américain revint à Saint-Pétersbourg, amenant à sa suite un Persan qu’il avait acheté publiquement dans le bazar de Bokhara. À son retour de Khiva, le général von Kauffmann était en position de dicter de nouvelles conditions à Mozaffer-Eddin, qu’il voulait du reste récompenser d’être resté neutre pendant la lutte. Un nouveau traité fut donc signé entre lui et l’émir. Celui-ci recevait en toute souveraineté une partie du territoire enlevé au souverain du Kharizm ; par compensation, il s’engageait, comme Mohammed-Rachim, à recevoir les caravanes et les négocians russes dans toutes les villes de ses états, à interdire le commerce des esclaves, à ne lever aucun impôt de douane sur les marchandises qui transiteraient par son territoire. En un mot, comme l’avaient déjà fait les souverains de Khiva et du Khokand, il signait sa propre déchéance.

Les événemens dont la Transoxiane fut le théâtre depuis une dizaine d’années présentent tant d’importance que les envahissemens de la Russie sur les frontières de la Chine n’ont plus guère attiré l’attention. Un traité entre ces deux puissances, traité antérieur aux insurrections tounganes, avait déterminé la limite commune entre la province chinoise d’Ili et la Sibérie occidentale ; les sujets du tsar avaient obtenu de plus la permission de trafiquer avec Kachgar, d’y avoir un consul et des comptoirs. Survint tout à coup, en 1864, la révolte des musulmans contre le gouvernement mandchou de Pékin. Les insurgés, partis, on s’en souvient, du Kansou, se divisèrent en deux bandes, l’une qui produisit un soulèvement général dans la Kachgarie pour aboutir à la création du royaume de Mohammed-Yacoub, l’autre qui se dirigea sur le versant nord des montagnes dans la vallée de l’Ili. Ces derniers ne surent pas se donner un chef, ce qui devait nuire à leurs succès, puis ils eurent le malheur de s’allier aux Calmouks, ennemis des Kirghiz et par conséquent des Russes. Entre autres incidens de la lutte, il advint que des tribus sibériennes furent pillées par les rebelles ou par leurs alliés. Soit par respect des conventions conclues avec les Chinois, soit pour se ménager toute liberté d’action envers des insurgés dont