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sinistres de la misère, elles donneront enfin satisfaction à une foule d’intérêts et de besoins trop longtemps négligés. Si le gouvernement italien, dès les premiers jours de l’annexion, alors qu’il imposait aux Siciliens une nouvelle vie nationale, s’était empressé de construire à ses frais le plus grand nombre de routes possible, sauf à se faire rembourser plus tard par les communes et les provinces, ce bienfait tant désiré eût certainement calmé bien des esprits et prévenu bien des ressentimens. Qui sait même si l’insurrection de 1866 eût pu jamais éclater? Quoi qu’il en soit, la leçon aura été profitable. Dans la province de Palerme, qui peut le mieux nous servir d’exemple, un décret royal du 8 octobre 1870 autorisait le général Medici à faire construire, à la demande des communes intéressées et avec l’aide des troupes, les routes communales reconnues de nécessité première, l’état se chargeant d’avancer les frais, dont trois quarts seulement remboursables en vingt ans par annuités, et le dernier quart abandonné aux communes à titre de subside. En l’espace de trois ans, dans onze communes, des routes ont été construites sur un parcours d’environ 50 kilomètres; dans huit autres, les travaux sont activement poussés, et 300 kilomètres sont encore en projet ; toutes les études préparatoires ont été faites par le génie militaire. Quant aux routes provinciales, l’administration espère les avoir complètement terminées dans sept ans, à raison de 180 mètres de route par kilomètre carré. Enfin, sans parler des frais de réparation et d’entretien s’élevant à plus de 1,500,000 francs, l’état, pour sa part, a fait construire cinq ponts et continué plusieurs tronçons des routes nationales.

L’exécution du réseau des voies ferrées doit couronner cette œuvre bienfaisante. Il peut sembler étrange, dit à ce propos M. Tommasi-Crudeli, de parler d’un réseau complet de voies ferrées dans un pays où presque partout manquent les routes carrossables, sans lesquelles un chemin de fer se trouve à peu près dans les mêmes conditions d’existence qu’un tronc d’arbre sans racines; mais il ne s’agit pas ici d’une spéculation plus ou moins lucrative. À ce compte, s’il avait fallu attendre pour les chemins de fer italiens que l’état du pays, les conditions de la viabilité, les habitudes elles-mêmes des habitans, se fussent modifiés jusqu’à en rendre l’exploitation suffisamment rémunératrice, la plupart seraient encore à construire. Le gouvernement a su voir qu’il fallait à tout prix consolider l’unité en établissant des communications rapides et suivies entre les différentes provinces et en favorisant les progrès du commerce intérieur. Depuis dix ans, il a dépensé plus de 300 millions à titre de subvention aux diverses compagnies de chemin de fer du royaume, et cependant, quoique le mouvement sur ces lignes augmente chaque année, aucune société n’est encore arrivée à faire