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considérations sont applicables au peuple et aux souverains d’Atchin.

Depuis le traité de 1824, n’ayant plus à redouter de compétition avec l’Angleterre, tant qu’elle s’abstiendrait de menacer Atchin, la Néerlande était poussée par les nécessités de sa position à Sumatra à ranger successivement sous sa suzeraineté les nombreux petits états qui se partagent ce beau pays. Il s’agissait bien moins de les annexer que de les faire entrer dans le système colonial, tout en leur laissant leurs rajahs et leurs lois particulières. C’était pour la Néerlande le seul moyen de protéger la tranquillité de ses possessions immédiates, de mettre un terme aux guerres intestines que se livraient les princes indigènes, de procurer au commerce sur les côtes et à la navigation sur les mers voisines la sécurité indispensable. Cette tâche fut souvent facilitée par les populations et les rajahs d’humeur paisible qui préféraient vivre en paix et s’enrichir sous la protection du pavillon néerlandais, et qui plus d’une fois vinrent eux-mêmes demander l’annexion ou le protectorat. D’autres fois la suzeraineté néerlandaise dut être imposée par les armes à des états dont il n’était plus possible de tolérer les actes d’hostilité. C’est ainsi que la Néerlande ajoutait à son empire des districts tels que ceux de Siak, d’Assahan, de Serdang, de Déli, de Langkat sur la côte est, de Baros, de Singkel sur la côte ouest. Plusieurs de ces états, au temps de la splendeur d’Atchin, avaient été tributaires des sultans atchinois. Cette vassalité n’était plus depuis longtemps qu’un souvenir. Cela n’empêcha pas les sultans d’Atchin d’envisager comme autant d’usurpations sur leurs domaines chacun de ces progrès de la suzeraineté néerlandaise. La vieille haine contre le Hollandais s’accroissait de ces nouveaux griefs. On découvrait à chaque instant la trace des ingérences atchinoises dans les guerres que les Néerlandais étaient obligés de faire à leurs turbulens voisins ou à leurs vassaux rebelles. En revanche, l’Angleterre, du moins l’Angleterre de Singapour et de Penang, était à Atchin la nation préférée, celle qu’on flattait parce qu’on croyait n’avoir rien à craindre d’elle, et, conformément à leur politique traditionnelle, les gouvernans d’Atchin spéculaient sur la rivalité des deux puissances coloniales pour susciter mille embarras à celle qu’ils croyaient avoir à redouter immédiatement. Si le conflit n’avait eu d’autre caractère, on ne pourrait refuser tout intérêt à ces derniers champions de la vieille indépendance malaise ; mais en réalité les Atchinois ne tenaient à conserver leur nationalité que pour se permettre impunément toute espèce de déprédations et de pillages. Nous signalerons les faits de ce genre les plus notables[1].

  1. Les détails qui suivent sont empruntés en grande partie à une Note historique très circonstanciée que le ministre des colonies soumit à la seconde chambre des états-généraux pour éclairer son opinion sur les causes et la nécessité de la guerre d’Atchin.