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rain barbare avec une extrême froideur. Ce n’était que prudent, on sait combien sont instables les potentats de cette région. Le massif des montagnes centrales restait fermé aux Européens; le major Montgomerie, chef des opérations géodésiques, eut alors l’idée d’y expédier des indigènes dressés avec soin aux observations astronomiques. L’un d’eux franchit la crête de l’Himalaya et parcourut une partie du Thibet; un autre partit de Peshawer, s’éleva sur le plateau de Pamir jusqu’aux sources de l’Oxus, et redescendit de l’autre côté dans la vallée de Kachgar, prouvant ainsi qu’il existe une route directe, d’un accès relativement facile et peut-être même praticable aux voitures, entre le Pendjab et le Turkestan oriental. C’est intéressant à savoir, car le commerce entre ces deux contrées n’est pas sans importance, quoiqu’il n’ait suivi jusqu’à ce jour que la voie très détournée de Samarcande et de Khokand, ou bien celle de Ladak et du Karakorum, qui n’est guère plus courte. Aussi un Anglais, M. Hayward, encouragé par la société de géographie de Londres, entreprit-il de reconnaître lui-même cette route; par malheur, il fut assassiné au retour par le chef d’une des tribus barbares qui occupent ces montagnes. En somme, le gouvernement vice-royal ne possède actuellement aucune influence au-delà de cette frontière, puisque de courageux explorateurs, avant-garde habituelle de la civilisation européenne, n’y pénètrent qu’au péril de leur vie.

Le gouvernement théocratique qui domine au Thibet n’admet aucun étranger dans l’étendue de ses possessions. Le peu que l’on en connaît est dû à des missionnaires catholiques qui y ont pénétré par la Chine, car du côté de l’Inde nul ne peut dépasser la crête des montagnes. Sur le versant même de l’Himalaya, qui regarde la vallée du Gange, les Anglais ont dans le Bhoutan des voisins incommodes qu’il a fallu châtier par les armes il y a neuf ans. Plus à l’est, sur la limite indécise qui sépare la province d’Assam de l’empire birman, vivent les tribus sauvages des Lushaïs, qui faisaient des incursions fréquentes sur le territoire britannique. Une expédition dirigée contre eux l’an dernier leur a prouvé que les Anglais ne laissent pas les injures impunies; mais, aucune garnison n’étant restée dans ce pays malsain et difficile, les hostilités peuvent reprendre au premier jour.

Tout à fait à l’ouest, le khan de Khelat est le souverain nominal Du Beloutchistan. Menacé par le shah de Perse, qui voudrait bien lui enlever le Mekran, il aurait peine à se défendre contre les vassaux qui lui disputent le pouvoir, s’il n’était soutenu par les Anglais, auxquels importe la tranquillité de ce petit état, traversé par la ligne télégraphique indo-européenne. Le khan de Khelat s’est reconnu