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Il n’a pour cela qu’à se rendre dans une église, au commencement ou à la fin du grand carême. Dans les pays orthodoxes, il n’y a point de confessionnaux ; rien dans les temples catholiques de Kief ou de Vilna n’intrigue davantage le paysan russe. La présence ou l’absence de ces monumens spéciaux, de ces petites guérites (boudki), comme les appelait naïvement un mougik, est déjà un signe du plus ou moins d’importance de la confession dans les deux églises. Il n’y a en Russie ni siège pour le prêtre, ni prie-Dieu pour le pénitent : tous deux se tiennent dans l’église debout en face l’un de l’autre, derrière un paravent qui les sépare de la foule sans les enlever aux regards; souvent même cette mince barrière est supprimée, et le prêtre reçoit la confession au pied d’un mur ou d’un pilier dans la nef, ou un des bas côtés, sans que rien l’isole du commun des fidèles. En certains jours du carême, on voit dans les paroisses des villes se dérouler de longues files de fidèles de tout sexe et de toute classe rangés à la queue les uns des autres, tous debout et tenant chacun à la main un petit cierge. La tête de ces colonnes se presse contre le paravent derrière lequel s’abrite le confesseur, qui, serré par le flot sans cesse renouvelé de la foule, peut à peine donner une ou deux minutes à chaque pénitent. Chacun s’avance à son tour, se courbe et se signe plusieurs fois de suite selon l’usage russe, répond à deux ou trois questions du pope, qui, en prononçant l’absolution, lui impose sur la tête un pan de l’étole. Comme tous ceux de l’église grecque, le rite est à la fois simple et digne. Le fidèle absous se redresse, allume le cierge qu’il tenait à la main, et, après avoir recommencé devant quelques images ses signes de croix et ses salutations, sort pour revenir communier un des jours suivans.

La plupart de ces confessions, accumulées à certaines époques fixes, sont naturellement rapides, sommaires, parfois tout extérieures. Il n’en est pas cependant toujours ainsi. Il y a des âmes scrupuleuses ou repentantes, il y a des prêtres zélés qui ne se contentent pas de ces confessions presque uniquement cérémonielles et ont besoin de demander ou de donner des conseils ou des consolations. On retrouve à cet égard les deux tendances opposées que nous avons signalées dans l’église gréco-russe, l’une dans le sens catholique allant au développement de la confession, l’autre dans le sens inverse qui en réduit et en simplifie les formes. Dans les classes les plus instruites, parmi les âmes les plus pieuses, c’est le premier penchant qui semble dominer. Il y a des jeunes filles qui s’effraient d’approcher du pope, des mères qui s’inquiètent des questions que l’on peut poser à leurs filles. Tantôt le prêtre interroge le pénitent sur les dix commandemens, tantôt il laisse le fidèle s’accuser lui-même. Un sectaire du nom d’Avvakoum, brûlé sous la minorité de Pierre le Grand, nous a laissé dans une espèce d’auto-