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Malgré un bombardement de deux jours, le Kraton ne put être entamé. Le 17, un conseil de guerre avait lieu sur la plage ; on y déclarait à l’unanimité que la position n’était plus tenable, et l’on en référait au gouverneur-général des Indes, qui envoyait au corps expéditionnaire l’ordre de se rembarquer et de retourner à Batavia. Il était décidé en même temps qu’on attendrait, pour renouveler l’expédition, le mois d’octobre, époque où les moussons soufflent de la pleine mer vers la côte.

La seconde chambre des états-généraux a fait de l’expédition l’objet d’un débat approfondi. Le cabinet commença par assumer la responsabilité de la déclaration de guerre; il avait en effet envoyé au gouverneur-général, dès le 19 février, un télégramme qui l’autorisait à prendre des mesures énergiques, il s’agissait ensuite de savoir si la déclaration de guerre était justifiée par les faits énoncés dans le mémoire du ministre des colonies. Plusieurs députés de l’opposition voyaient là une conséquence de la politique agressive inaugurée par le traité de 1871, qui avait été conclu avec l’Angleterre en vue d’étendre la domination hollandaise à Sumatra. En abandonnant aux Anglais les établissemens hollandais de la côte de Guinée, on avait voulu, disaient-ils, se soustraire à la clause du traité de 1824, qui obligeait le gouvernement à respecter l’indépendance du souverain d’Atchin. Telle était, selon eux, la véritable cause de la guerre. Le ministre des colonies répondit que l’intention du gouvernement était d’éviter les hostilités, mais que la situation était devenue telle qu’il fallait arriver à une solution soit par la guerre, soit par un arrangement. On voulait satisfaction pour le passé et garantie pour l’avenir, sans l’immixtion des puissances étrangères.

En ce qui touche l’expédition elle-même, le débat présenta un intérêt particulier. Suivant l’opposition, on s’était lancé dans une périlleuse entreprise sans connaître les moyens de défense du pays et sans avoir pourvu l’armée des munitions et de l’artillerie nécessaires. L’affaire avait été mal conduite militairement et diplomatiquement. Le moment choisi pour ouvrir les hostilités convenait à merveille au sultan d’Atchin : c’était celui où la mousson commence, c’est-à-dire l’époque la plus malencontreuse pour une attaque; aussi les troupes hollandaises avaient-elles perdu tout l’avantage de l’offensive. — Le ministre répondit qu’on avait tort de porter un jugement sur une expédition dont on ignorait encore les détails. On aurait voulu se borner à l’envoi de vaisseaux de guerre; mais le gouverneur-général avait été d’avis qu’on perdait un temps précieux, et qu’une grande démonstration militaire était devenue indispensable. D’ailleurs la mousson n’arrive point dans l’île de Sumatra à une époque fixe comme dans l’île de Java, et il est impossible d’admettre qu’on aurait fait partir l’expédition quatorze jours avant la mauvaise saison, si on avait su à l’avance l’époque exacte où