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LA MORT D’ALI PACHA.

Louis XVIII lui adressa : « Je regrette, amiral, que nous ayons renoncé aux usages de l’antiquité ; je vous aurais surnommé Halgan le Sauveur. » Le 4 juin, ouvrant la séance des chambres, il rappela, non sans émotion, les services rendus par les forces navales du Levant aux infortunés « dont la reconnaissance était, dit-il, le prix de ses sollicitudes. » Les paroles royales trouvèrent de l’écho dans cette grande assemblée. « La France, s’écriait M. de Bonald, a fait ce qu’elle devait faire. Secourable au malheur, le pavillon blanc l’a cherché partout ; dans ces déplorables événemens, il n’a vu que des victimes. » Le général Foy, Lafayette, unirent leurs suffrages à celui de l’orateur monarchique. La France était contente d’elle-même, et elle avait raison de l’être. Son tort, ce n’est pas, comme toute une école politique voudrait le prétendre, d’avoir été trop souvent généreuse, c’est d’avoir imprudemment compté sur la générosité des autres. À quelques années de là, livré aux pensées un peu sombres qu’inspirent aux plus résignés la retraite et le crépuscule de la vie, l’amiral Halgan relisait son journal de bord. « Je sens, disait-il, que ces réminiscences n’ont plus d’attrait que pour moi. Les événemens de 1821 et de 1822 se sont déjà effacés de la mémoire des hommes ; ils ont passé dans le courant du fleuve d’oubli, emportés par ces flots que pressent tant d’autres flots. » Puissé-je à mon tour en avoir rajeuni le souvenir pour l’honneur d’un brave amiral, pour la gloire de la marine et pour la consolation de la France !

M. le vicomte de La Mellerie conserva peu de temps le commandement de la station du Levant. Une dépêche ministérielle du 18 juin 1822 vint bientôt appeler à ce poste important M. le chevalier de Viella, commandant de la Fleur de Lis ; mais déjà un autre officier, l’ancien capitaine de l’Aigrette, le chevalier de Rigny, qui commandait alors la frégate la Médée, avait reçu l’ordre de se rendre dans l’Archipel et d’y aller remplir une mission temporaire. Cet officier était investi d’une confiance qu’il méritait à tous les titres et à tous les degrés. Fils d’un ancien capitaine au régiment de Penthièvre, neveu de l’habile ministre qui rétablit le premier l’honneur de nos finances, il avait à la fois le mérite et la faveur. À l’âge de quarante ans, il avait déjà fait plus de campagnes de guerre, assisté à plus de combats, mieux appris à cette école son métier de soldat et de matelot que beaucoup de ces vétérans qui affectaient de le traiter encore en officier de cour. Né en 1782, entré dans la marine en 1798, le chevalier de Rigny était sur la Bravoure dans l’engagement que soutint cette frégate contre le navire anglais la Concorde, sur le Muiron pendant le combat d’Algésiras. En 1803, il entrait dans le corps des marins de la garde ; en 1806 et 1807, il suivait les mouvemens de la grande armée en Prusse,