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douleurs et qui est comme le bilan de nos désastres, a été conçu à un point de vue plus complet que les publications de ce genre faites jusqu’à ce jour en France ou en Allemagne. On se borne en général à reproduire les traités ou les arrangemens diplomatiques comme si l’œuvre de la paix y était contenue tout entière. On n’a ainsi qu’un côté du tableau. Les actes diplomatiques ne sont guère destinés qu’à régler les conséquences de la lutte qui a pris fin, les effets de la conquête dans les rapports internationaux ; mais il est tout un ordre de faits relevant de la législation intérieure qui viennent parachever les travaux des diplomates. Il ne s’agit pas seulement de réparer des désastres matériels ; la bombe et la mitraille n’ont pas seulement broyé des membres humains, détruit des édifices, ravagé des villes. Autrefois les effets de la guerre se révélaient surtout par l’aspect des ruines, par la destruction des hommes et des choses visibles à l’œil ; de nos jours, où le commerce a pris un si grand développement de peuple à peuple, où les intérêts publics et privés sont si intimement liés qu’on ne peut toucher aux uns sans compromettre les autres, la guerre, lorsqu’elle éclate entre deux grandes nations, fait sentir son influence sur toutes les transactions, et affecte indistinctement toutes les classes de la société. Il n’est pas un contrat peut-être sur lequel l’état de guerre n’ait exercé des effets désastreux. La vie commerciale a été atteinte non pas seulement à Paris et dans les territoires envahis, mais dans toute la France. La délégation de Tours a dû, comme le gouvernement central à Paris, rendre une série de décrets pour proroger les échéances des effets de commerce, et cet état de choses n’a pas cessé avec la guerre : il a continué postérieurement pendant un certain temps. L’exécution des lois sur les saisies de biens, le cours des prescriptions, ont été arrêtés. A Paris, les décrets sur les loyers ont, par une exception unique peut-être, troublé pendant près d’un an les rapports entre propriétaires et locataires. Lorsque la paix survient, il faut redonner la vie et le mouvement à ces existences suspendues, ranimer ces forces expirantes, guérir toutes ces plaies à peine fermées. C’est à quoi l’assemblée nationale et le gouvernement, chacun dans sa sphère, se sont efforcés de pourvoir par une foule de lois et d’actes destinés à la reconstitution morale et matérielle du pays. Cet ensemble se retrouve dans le Recueil, et l’on a ainsi le tableau complet de l’œuvre de la paix.

Les traités relatifs à la paix se composent surtout de quatre grands actes, la convention d’armistice du 28 janvier 1871, les préliminaires de paix du 26 février, le traité de Francfort du 10 mai et la convention additionnelle du 11 décembre ; mais une foule d’arrangemens accessoires viennent se joindre à ces principaux actes : du mois de janvier au mois de décembre 1871, on en compte vingt-huit. La plupart de ces conventions étaient inédites ; placées dans l’ordre chronologique, elles font assister jour par jour à la réorganisation du pays, à la remise en