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amères ; mais celle-ci provient de la fermentation de l’amygdaline. On considère aussi comme des fermentations un certain nombre de phénomènes analogues qui peuvent être réalisés dans les vaisseaux d’un laboratoire et se réalisent constamment dans les organismes vivans, et dont la cause est une substance zymotique. Il existe par exemple dans la salive un principe qu’on appelle la ptyaline, et qui, comme la diastase, transforme la matière amylacée en sucre[1]. Le suc gastrique contient un autre principe, la pepsine, dont l’effet est de liquéfier les matières albuminoïdes pour les mettre en état d’être absorbées. Le suc pancréatique renferme un principe qui agit d’une manière semblable. La digestion se ramène ainsi à une série de fermentations, comme l’avaient justement pressenti les anciens chimistes. Ces phénomènes divers ont, aussi bien que ceux où interviennent des organismes, les deux caractères généraux des fermentations : ils ne s’accomplissent que dans certaines limites de température, et le poids de la matière fermentescible est toujours bien supérieur à celui du ferment suffisant pour la décomposer.

En résumé, les fermentations provoquées dans certains milieux, par le fait du développement et de la nutrition de microzoaires ou de microphytes déterminés, présentent un ensemble de caractères bien définis. Elles suivent docilement toutes les variations qui peuvent survenir dans l’activité physiologique des êtres microscopiques contenus dans le liquide. Celui-ci ne fermente pas immédiatement ; il attend plus ou moins, et le mouvement moléculaire s’y accuse graduellement. Le phénomène est évolutif. Voilà, ce semble, ce qui caractérise les fermentations alcoolique, lactique, acétique, butyrique, glycérique, putride, bref, toutes celles que M. Pasteur a étudiées avec une rigueur si décisive. En est-il de même de la transformation des matières amylacées en sucre sous l’influence de la diastase ou de la ptyaline, de la dissolution des substances protéiques par la pepsine, de la métamorphose de l’amygdaline en essence d’amandes amères au contact de la synaptase ? Évidemment non. Ces phénomènes ont une physionomie différente ; ils ne présentent point de phases évolutives. Sans doute, ils demandent un certain temps pour s’accomplir, mais ils s’accomplissent tout d’une pièce et sans rapport avec l’air ambiant.

Ces différences entre les deux classes de fermentations tiennent manifestement à ce que dans la première le phénomène est subordonné aux conditions et aux progrès de la vie des corpuscules organisés qui élaborent le ferment au sein même des liquides

  1. La salive est d’ailleurs le siège d’autres fermentations. Sous l’influence d’une espèce de bactérie très allongée (leptothrix), les détritus amylacés et albuminoïdes s’y transforment en acide lactique, lequel joue, comme l’ont montré les expériences de M. le docteur Magitot, un grand rôle dans la carie dentaire.