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heure. Si l’on essayait, d’après cette évaluation, d’exprimer en chiffres le nombre de cellules qui sont employées à produire le vin, la bière et le cidre que nous consommons chaque année, dit M. Dumas, on ferait reculer même les astronomes.

Ce rôle d’agent capable de provoquer la décomposition du sucre et la formation consécutive de l’alcool n’appartient pas exclusivement aux cellules de la levure de bière. Plusieurs agens chimiques peuvent aussi le remplir ; certaines cellules végétales y sont également propres. Lorsque les fruits sont placés dans un milieu plein d’oxygène, ils absorbent ce gaz, et donnent lieu à un dégagement d’acide carbonique ; si au contraire on les abandonne dans le gaz acide carbonique ou dans un autre gaz inerte, ils déterminent une production d’alcool. Les fruits restent fermes, durs, n’éprouvent aucune modification extérieure, mais le sucre qu’ils contiennent se transforme partiellement en alcool. Comment expliquer le phénomène ? Dans l’air ordinaire, la cellule du fruit se nourrit d’oxygène ; si ce dernier gaz vient à lui manquer, elle est obligée d’emprunter des matériaux nutritifs au liquide qui la baigne, c’est-à-dire au jus sucré. Ce dernier est alors décomposé. M. Pasteur a reconnu qu’une fermentation alcoolique semblable a lieu dans d’autres organes végétaux, par exemple dans les feuilles, et, dans tous les cas, il a constaté que le phénomène est dû aux cellules elles-mêmes du végétal, et non point à des globules de levure. Loin de compromettre la doctrine physiologique de la fermentation, ces faits singuliers concourent à l’affermir, tout en lui donnant un caractère plus profond et plus général.

On vient de voir que la fermentation du sucre donne de l’alcool. Ce dernier, lorsqu’on le place au contact de certaines substances poreuses, comme la mousse platine par exemple, peut absorber l’oxygène de l’air et se transformer, par oxydation, en acide acétique. C’est un phénomène de ce genre qui a lieu quand le vin s’aigrit. L’alcool contenu dans le vin est converti en acide acétique. Seulement l’agent de cette transformation est ici une plante microscopique constituée par de petits globules allongés, mesurant quelques millièmes de millimètre. Ces globules, ces mycodermes se développent à la surface du vin laissé à l’air libre, et y forment une couche dont le rôle est d’emmagasiner une certaine quantité d’oxygène qui est employée ensuite à déterminer l’acétification du liquide. Cette couche, qu’on appelle la mère de vinaigre, n’agit qu’autant qu’elle communique avec l’air. Sitôt qu’on la submerge, elle devient inefficace, et l’acétification s’arrête. La formation du vinaigre dans la fermentation acétique se réduit donc à une oxydation de l’alcool, dans laquelle des cellules microscopiques sont les véhicules de l’oxygène.