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d’être une exception, est au contraire le type même des phénomènes dont il s’agit ici, que les cellules de levure, au lieu d’y être indifférentes, y jouent un rôle essentiel, enfin que dans toutes les. fermentations il intervient des organismes inférieurs, des corpuscules microscopiques plus ou moins analogues à ceux de la levure. Tel est du moins le premier résultat des recherches accomplies dans ces quinze dernières années par plusieurs savans, au premier rang desquels il convient de citer M. Pasteur.

C’est par l’étude de la fermentation alcoolique que M. Pasteur a commencé, en 1858, la série de ses travaux. Il a mis hors de doute que, dans le cas du jus de raisin et du moût de bière, aussi bien que dans celui de tout liquide sucré abandonné à l’air, la production plus ou moins rapide d’alcool est toujours corrélative du développement d’un champignon microscopique, composé de globules arrondis mesurant quelques millièmes de millimètre. Ces globules, connus sous le nom de levure de bière, se multiplient dans le liquide en fermentation aux dépens des matières organiques qui y sont contenues et déterminent, par les échanges nutritifs auxquels ils donnent lieu, la décomposition du sucre en alcool, acide carbonique, acide succinique et glycérique. Tels sont les quatre produits constans de la fermentation alcoolique. Le sucre est l’aliment du globule de levure ; ces produits en sont les excrétions. On ne connaît pas encore les lois du mécanisme intérieur qui les élabore. Tout porte à croire cependant que les cellules de levure sécrètent une substance plus ou moins analogue à celles qui, chez les animaux supérieurs, opèrent le phénomène de la digestion. La fermentation alcoolique serait ainsi une espèce de digestion intra-globulaire du sucre.

M. Dumas, qui a marqué, il y a un demi-siècle, son entrée dans la carrière des sciences de la nature par de mémorables découvertes de physiologie microscopique, est revenu depuis peu à des études du même ordre, justement à propos des fermentations. Il a entrepris à ce sujet, dans le laboratoire de M. Pasteur, à l’École normale, des recherches dont les résultats publiés tout récemment témoignent que l’illustre savant n’a perdu ni sa sûre industrie dans l’institution expérimentale, ni son lucide génie dans la conception doctrinale. M. Dumas a cherché, entre autres choses, à déterminer la force décomposante, le degré d’activité propre à chaque cellule de ferment alcoolique. Il a mesuré pour cela la quantité de sucre décomposé dans un temps donné par un certain poids de levure de bière, et il a trouvé, — après avoir établi préalablement qu’il y a environ 2,772,000 cellules dans un millimètre cube de cette levure, — que la force de 100 milliards de cellules représente l’énergie capable de décomposer 25 centigrammes de sucre en une