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mesures sanitaires à prendre. Toutefois il n’a pas le droit d’hésiter plus longtemps, et il faudra bien qu’il se résigne à faire ces sacrifices. L’Europe entière est d’ailleurs intéressée dans-la question, et elle est en droit d’exiger qu’on prenne des mesures pour empêcher le choléra de sortir des lieux où il est endémique et d’envahir le monde. On ne peut admettre que l’incurie des pèlerins et le manque de soin qu’ils ont de leur propre vie compromettent des existences bien plus précieuses que les leurs, et deviennent un danger pour tous les autres peuples.


III

La province d’Orissa ne fut soumise qu’en 1803 à la domination anglaise ; jusqu’alors, elle était, au moins de nom, sous celle des Mahrattes, peuplade musulmane qui l’opprimait et l’écrasait d’impôts. Les Mahrattes ayant fait plusieurs incursions sur le territoire britannique, on résolut de les expulser du delta : le duc de Wellington (alors marquis de Wellesley) entreprit contre eux une expédition qui le rendit maître de Cattack, la clef du delta, qu’il conserva jusqu’à ce que la bataille de Plassey lui eût livré tout le Bengale avec ses 40 millions d’habitans. Une fois maîtres du pays, les Anglais durent se préoccuper de trouver des gens disposés à le cultiver, ce qui n’était pas chose facile, car la domination mahratte avait découragé les habitans, qui s’étaient enfuis. La première règle qu’ils s’imposèrent fut de respecter partout les mœurs et les institutions, et de ne violenter aucune croyance ; mais pour donner une idée des difficultés en présence desquelles ils se sont trouvés, de la complication administrative que crée pour eux la différence des races, il suffira de dire que la seule province d’Orissa exige trois systèmes d’administration différens. Le premier de ces systèmes s’applique aux états qui occupent la partie montagneuse d’Orissa, et qui sont habités par les débris des anciennes races autochthones dépossédées des terres qui avaient été leur berceau.

Parmi ces races diverses, celle des Indiens Uriyas est la plus récente et la plus civilisée ; ils habitent les vallées, cultivent le sol et monopolisent le commerce de la contrée, mais ils sont eux-mêmes comme des étrangers au milieu des fragmens de races plus anciennes. Celles-ci à leur tour appartiennent à des époques d’une antiquité plus ou moins reculée, et diffèrent entre elles par le degré de misère, de dégradation au-dessus duquel elles n’ont jamais pu s’élever. Trois seulement ont une nationalité bien déterminée et une histoire dans les profondeurs de laquelle on peut à la rigueur pénétrer. Ce sont les Kols, qui s’étendent depuis Orissa jusqu’à 200 milles plus au nord, les Savars, qui paraissent être les Suari