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d’une manière intermittente, en émigrant d’un lieu à un autre. Des hameaux de pêcheurs et de fabricans de sel sont épars sur la bande comprise entre le lac et la mer, et tirent une maigre récolte de riz des bas-fonds momentanément desséchés du lac. Au sud-ouest, des villages de bateliers font métier de transporter le surplus de la production d’Orissa vers le rivage de Ganjam, dans des bateaux plats en forme de cercueils. À l’extrémité opposée, là où les fleuves débouchent dans le lac, des communautés d’habiles cultivateurs s’abritent derrière leurs digues et récoltent de belles moissons, quand elles ne sont pas enlevées par l’inondation avec leurs bestiaux et leurs maisons.

Les îles Parikud, situées au sud du lac Chilka, émergent à peine de l’eau ; elles sont cultivées et sur certains points couvertes d’arbres qui leur donnent l’aspect d’un parc anglais. Il y a cent ans, elles étaient habitées par une population si misérable, que les troupes qui les traversèrent durent emporter avec elles le bois de chauffage et les vases de terre pour la cuisson des alimens ; même aujourd’hui, les conditions de la vie y sont très difficiles. Du côté de la mer, les rives de sable ne produisent rien ; du côté du lac, elles donnent de riches moissons de riz, pourvu que l’année soit humide sans cependant amener d’inondations : autrement la détresse y est à son comble. Elles n’ont ni rivière d’eau douce, ni fontaines, il n’y a que des puits qui ne peuvent servir aux irrigations. La population agricole est de race aryenne ; elle parle le sanscrit et est restée fidèle aux anciens rites et aux anciennes divinités. Le rajah exerce une autorité héréditaire et incontestée sur 54 communautés agricoles, dont les 900 feux sont groupés par villages. Il touche pour la location des terres une redevance qui varie de 30 centimes à 7 fr. 50 par acre ou 40 ares, suivant la classe à laquelle appartiennent les tenanciers ; les classes inférieures paient, bien entendu, plus que les autres. Les terres ainsi louées sont un sable gras, facile à labourer, quoique sujet à la sécheresse. Quand l’humidité est suffisante, elles produisent une moisson splendide ; mais les habitans sont à la merci de quelques pouces d’eau de plus ou de moins. Lorsque la pluie se fait attendre, tout est brûlé, tandis que, quand elle tombe avec un peu trop d’abondance, la contrée est inondée et ruinée par l’eau salée, comme elle le fut en 1866, où, sur 3,000 hectares cultivés, 2,800 ont été couverts par les flots. À l’est se trouve la mer avec ses cyclones et ses vagues immenses, à l’ouest le Chilka avec ses rivières irrégulières, se frayant un passage à travers les champs de riz. Sur les côtes habitent quelques communautés de pêcheurs et de bateliers qui gagnent leur vie à fabriquer des filets ; ils appartiennent à la tribu des Telingas des