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précisément ce qu’il s’agit de savoir. Enfin, la consubstantialité et immanence des propriétés vitales explique bien que tous les organes soient doués de vie, et possèdent en puissance ces propriétés et non pas comment elles se divisent, se combinent en organes spéciaux. Restent donc, je le répète, les deux causes que nous avons indiquées.

Si maintenant nous cherchons à nous rendre un compte philosophique des deux causes signalées par M. Charles Robin, nous verrons qu’elles reviennent à dire que la succession explique l’appropriation, et la contiguïté l’harmonie. Substituer toujours des rapports d’espace et de temps à des rapports intelligibles et harmoniques, tel est le caractère de la science positive : œuvre très légitime d’ailleurs, si elle sait s’y borner, mais usurpatrice, si elle prétend limiter là la portée de la pensée humaine. Il est dans la nature de l’esprit humain, doué de sensibilité, de ne concevoir les choses qu’en se les représentant par des symboles d’espace et de temps : ce sont là les conditions matérielles de toute pensée, et c’est l’objet de la science de les déterminer ; mais reste à savoir si la pensée n’est pas tout autre chose, et si son objet propre n’est pas précisément ce qui ne se représente pas par l’espace et par le temps.

Ainsi le savant physiologiste dont nous résumons les idées nous montre les élémens anatomiques naissant les uns des autres, avec telle configuration particulière, et, à mesure qu’ils naissent, se groupant d’une certaine manière en raison de leur structure. D’une telle structure doit naître, dit-il, une suite d’actes déterminés. Or il est très vrai que la formation d’un organe ne peut pas se comprendre sans l’apparition successive d’élémens spéciaux, configurés d’une certaine façon ; mais déterminés ne veut pas dire appropriés, et il reste toujours à savoir comment ces actes déterminés sont précisément ceux qui conviennent, et non pas d’autres. On ne résout pas la difficulté en disant que, si ce n’étaient pas précisément des actes compatibles avec la vie, l’animal ne vivrait pas, car il n’y a nulle contradiction à ce qu’un animal ne vive pas, c’est-à-dire à ce qu’il n’y en ait pas du tout ; et ce qui est étrange, c’est précisément qu’il y en ait. L’histoire de l’évolution embryologique, quelque intéressante qu’elle soit, ne détruit donc en rien les inductions que nous avons tirées des profondes analogies de l’art humain et de l’art vital, car de côté et d’autre il y a des élémens spéciaux, configurés d’une manière déterminée, et rendant possible la production de tels ou tels actes ; mais dans l’art humain, il y a quelqu’un qui fait un choix entre tous ces possibles. Pourquoi dans l’art vital le substratum matériel serait-il dispensé de la nécessité du choix et