Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/880

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous dit : « Le cœur est essentiellement une machine motrice vivante, une pompe foulante destinée à lancer dans tous les organes un liquide qu’on appelle le sang qui les noar.it… A tous les degrés de l’échelle animale, le cœur remplit cette fonction d’irrigateur mécanique. »

Il faut distinguer d’ailleurs, avec le savant physiologiste que nous venons de citer, la physiologie et la zoologie. « Pour le physiologiste, ce n’est pas l’animal qui vit et qui meurt, ce sont seulement les matériaux organiques qui le constituent. De même qu’un architecte, avec des matériaux ayant tous les mêmes propriétés physiques, peut construire des édifices très différens les uns des autres dans leurs formes extérieures, de même aussi la nature, avec des élémens organiques possédant identiquement les mêmes propriétés, a su faire des animaux dont bs organes sont prodigieusement variés. » En d’autres termes, la physiologie étudie l’abstrait, et la zoologie le concret ; la physiologie considère les élémens de la vie, et la zoologie les êtres vivans, tels qu’ils sont, réalisés, avec leurs formes innombrables et variées. Or ces formes, qui les construit ? Sont-ce les matériaux qui d’eux-mêmes se réunissent et se coagulent pour donner naissance à ces appareils si compliqués et si savans ? Ce n’est pas nous, c’est M. Claude Bernard qui revient ici à la vieille comparaison tirée de l’architecture. « On pourra, dit-il, comparer les élémens histologiques aux matériaux que l’homme emploie pour élever ses monumens. ». C’est ici le cas de rappeler avec Fénelon la fable d’Amphion, dont la lyre attirait les pierres et les conduisait à se réunir de manière à disposer d’elles-mêmes les murailles de Thèbes. Dans le système matérialiste, les atomes organisés se réunissent ainsi pour former des plantes et des animaux, et il n’y a pas même de lyre pour les attirer. Sans doute, pour qu’une maison subsiste, il faut que les pierres dont elle se compose aient la propriété de la pesanteur ; mais cette propriété explique-t-elle comment les pierres forment une maison ?

Non-seulement il faut distinguer la physiologie et la zoologie, mais dans la physiologie elle-même on distinguera encore suivant le même auteur, la physiologie descriptive et la physiologie générale. C’est la physiologie générale qui recherche les élémens organiques et leurs propriétés. La physiologie descriptive est bien obligée de prendre les organes tels qu’ils sont, c’est-à-dire comme des résultantes, constituées par la réunion des élémens organiques. Or ce sont ces résultantes qui formeront toujours l’objet de l’étonnement des hommes, et que l’on n’a pas expliquées par la réduction aux élémens. Sans doute, tant que les élémens anatomiques ou organiques ne sont qu’à l’état d’élémens, nous n’y apercevons pas le secret