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prêter une sorte de conscience sourde, analogue aux perceptions obscures des monades leibniziennes. En se plaçant à ce point de vue, il semble que la vieille comparaison des philosophes entre les organes et les instrumens de l’industrie humaine ne soit plus qu’une idée superficielle et surannée qui ne sert à rien dans l’état actuel de la science. Il semble que la finalité, abandonnée depuis si longtemps dans l’ordre physique et chimique, soit destinée aussi à devenir en physiologie un phénomène secondaire et sans portée. Si en effet une substance amorphe est capable de se nourrir, de se reproduire, de se mouvoir, si d’un autre côté, comme dans les nerfs, on ne peut surprendre aucune relation possible entre la structure et la fonction, que reste-t-il, si ce n’est à constater que dans telle condition telle substance a la propriété de se nourrir, telle autre la propriété de sentir, de même que l’on établit en chimie que l’oxygène a la propriété de brûler et le chlore la propriété de désinfecter : en un mot, il ne reste plus que des causes et des effets, et rien qui ressemble à des moyens et des buts.

Tandis que la physiologie moderne, sur les traces de Bichat, négligeait la structure et l’usage des parties pour considérer les élémens organiques, l’anatomie, sur les traces de Geoffroy Saint-Hilaire, négligeait également la forme superficielle des organes pour considérer surtout les élémens anatomiques et leurs connexions. La loi des connexions repose sur ce fait, qu’un organe est toujours dans un rapport constant de situation avec tel autre organe donné, lequel à son tour est dans un rapport constant de situation avec un autre, de sorte que la situation peut servir à reconnaître l’organe, sous quelque forme qu’il se présente. Si vous négligez ce lien physique qui relie, suivant une loi fixe, un organe à un autre, vous vous laisserez surprendre par les apparences, vous attacherez une importance exagérée aux formes des organes et à leurs usages, et ces différences, si frappantes pour les yeux superficiels, vous cacheront l’essence même de l’organe ; les analogies disparaîtront sous les différences ; on verra autant de types distincts que de formes accidentelles : l’unité de l’animal abstrait qui se cache sous la diversité des formes organiques s’évanouira. Si au contraire vous fixez l’idée d’un organe par ses connexions précises et certaines avec les organes avoisinans, vous êtes sûr de ne pas le perdre de vue, quelque forme qu’il affecte. Vous avez un fil conducteur qui vous permet de reconnaître le type sous toutes ses modifications, et c’est ainsi que vous arrivez à la vraie philosophie de l’animalité. Ainsi l’anatomie, comme la physiologie, cherchait le simple dans le composé. L’une et l’autre déterminaient ces élémens simples par des rapports d’espace et de temps, soit en indiquant la place fixe qu’ils