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III. — L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR.

Il en est de l’enseignement comme de la distribution des eaux en agriculture. Il est bon de faire des canaux d’irrigation dans les prairies, il est utile de protéger la pente du ruisseau, mais il est indispensable d’entretenir avec un soin spécial la source qui surgit en haut de la montagne, car c’est d’elle que vient toute fécondité : si on la néglige, elle s’oblitère et se tarit ; les terrains traversés par le ruisselet deviendront stériles, la prairie ne sera plus qu’un marécage. — La source, c’est l’enseignement supérieur ; on n’a d’élèves qu’à la condition d’avoir des professeurs. Ce ne sont pas les grandes institutions qui nous manquent ; nos facultés sont nombreuses et les établissemens scientifiques ne nous font pas défaut : faculté de théologie, faculté des lettres, faculté des sciences en Sorbonne faculté de droit, faculté de médecine, École supérieure de pharmacie École pratique des hautes études, Collège de France, Muséum d’histoire naturelle, École de langues orientales vivantes, École des chartes, École des mines, École des ponts et chaussées, École de médecine et de pharmacie militaires, École polytechnique, École normale supérieure, d’où sortent les professeurs des enseignemens littéraire et scientifique. C’est complet, et il y a là de quoi féconder le cerveau de la France, afin qu’il puisse agir sur le corps tout entier. Il est triste d’avouer que, dans cette douloureuse question de l’instruction publique, plus on s’élève, plus on est exposé aux désillusions. L’enseignement primaire à Paris est très bon, l’enseignement secondaire est médiocre, l’enseignement supérieur s’engourdit progressivement, il paraît atteint d’anémie ; il meurt de pauvreté. Les hommes d’élite semblent l’abandonner, l’argent lui manque ; il ne vit plus que d’expédiens.

Il a été brillant jadis, sous la restauration, pendant les premières années de la dynastie de juillet ; il a fait parler de lui ; il a réuni autour de ses chaires les intelligences du pays et les savans étrangers. Certaines voix parties de la Sorbonne, du Collège de France, de l’École de médecine, ont éveillé des échos jusqu’au bout du monde ; quel vent mauvais a donc desséché cette moisson superbe ? La politique, qui s’est infiltrée dans l’enseignement, l’a pénétré, l’a vicié en son principe même, et lui a enlevé le caractère d’utilité générale, quoique abstraite, qu’il doit toujours conserver sous peine de s’altérer et de périr. A qui la faute ? Je n’hésite pas à répondre : aux professeurs qui de leur chaire ont absolument voulu faire une tribune au pied de laquelle les partis adverses se