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au second étage deux écoles, les garçons d’un côté, les filles de l’autre. La salle d’asile n’a pas de jardin, pas même une de ces petites cours de souffrance comme il en existe souvent à Paris entre les maisons mitoyennes ; dans un préau sans jour et sans lumière, infecté, malgré tous les soins imaginables, on réunit 150 enfans de deux à six ans. On a beau les débarbouiller constamment, ils sont toujours malpropres ; on dirait que cette vieille masure les salit d’elle-même. Les exercices qu’on leur fait faire, les mouvemens gymnastiques dont on cherche à les amuser, ne remplacent pas le jeu au grand air, qui est indispensable à des bambins de cet âge. Ils sont tristes, ils s’ennuient, ils s’endorment malgré eux dans la lourde atmosphère qui les oppresse. Il y a plus, le danger du séjour dans ce mauvais local se révèle parfois d’une façon redoutable. Un enfant a mal aux yeux, puis un second, puis un troisième, tout à coup une épidémie ophthalmique se déclare, et l’on ne voit plus que de pauvres petites paupières rouges et tuméfiées. On appelle un médecin, on le consulte ; il répond : « Démolissez votre salle d’asile et construisez-en une autre. » Comme ce sont là des remèdes qu’on ne trouve pas chez l’apothicaire du coin, les petits continuent à souffrir. Les écoles sont dans des conditions semblables. On gravit deux étages pour arriver à celle des filles, et quand on demande où jouent les enfans, on vous conduit dans un vaste grenier dont on a jeté les murs de refend par terre pour en faire une seule pièce, si grande maintenant, si disproportionnée, que le plancher a trop de volant, et qu’il s’effondrerait sur l’étage inférieur, si les enfans, toujours surveillés, n’étaient forcés de modérer leurs ébats. La directrice demeure dans la maison ; j’ai traversé son appartement, il y pleuvait. Il y a là un danger permanent dont il est temps de se préoccuper ; une telle école ne peut plus subsister dans Paris, elle est en contradiction flagrante avec les efforts généreux que l’on fait chaque jour pour développer l’enseignement primaire. Il faut tout simplement prendre cette laide Cour des Miracles et y créer un groupe scolaire modèle, qui est dû à un quartier très laborieux, très intéressant et dont les contributions s’élèvent à une somme considérable.

Les enfans reçoivent donc dans nos écoles, malgré l’état défectueux de quelques-unes d’entre elles, une instruction très sérieuse et vraiment bonne ; — je ne parle que de Paris, presque tout est à faire dans les départemens. Beaucoup n’en profitent pas encore : nous avons cité des chiffres ; il suffit du reste de parcourir certains arrondissemens, de voir les gamins jouer dans les rues, pour se convaincre que toutes les familles n’ont pas compris la nécessité de l’enseignement ; mais cet enseignement profite moins qu’on ne