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empêché de triompher, quand il n’a pas désespéré le premier du succès de sa cause.

La flotte turque cependant pressait son armement, et on devait s’attendre à la voir bientôt paraître dans les îles avec les troupes asiatiques rassemblées à Scala-Nova. Il était urgent de faire succéder aux efforts isolés une entente entre les trois îles. Cent soixante naviies, portant pour la plupart de dix à quatorze canons, s’étaient dispersés dans l’Archipel. On rassembla la majeure partie de cette force navale, et on la plaça pour un an sous le commandement suprême d’un primat hydriote, Jakomaki Tombazis. Douze bricks furent détachés sous la conduite d’André Miaulis vers le golfe de Lépante avec mission de maintenir le blocus de Patras et de surveiller l’escadre ottomane qui opérait sur les côtes de l’Épire. Trente-sept voiles firent route pour Samos. Les grandes opérations commençaient ; les efforts de la marine grecque vont mériter d’être sérieusement étudiés.

II.

Si l’on embrasse d’un coup d’œil l’histoire technique de la marine moderne, on verra l’artillerie, à partir du règne de Louis XV, décider à peu près seule du sort des batailles navales ; mais, avant cette époque, les vaisseaux sont très rarement réduits par le canon. Il les faut enlever l’épée à la main ou les détruire en les embrasant. Aussi ne voit-on presque jamais de flotte de guerre qui ne soit accompagnée d’un certain nombre de brûlots. Telle est aussi la composition des flottes grecques. Lorsque le 22 juillet 1821 le capitaine de la flûte du roi la Bonite rencontrera dans le golfe de Stancho soixante-cinq navires hydriotes « armés de douze à vingt canons de très faible calibre, » portant « de 100 à 120 hommes d’équipage, » un des capitaines de cette escadre n’hésitera pas à lui dévoiler le plan de campagne des insurgés. « Notre intention, lui dit-il, n’est pas d’engager la flotte ennemie, nous nous proposons de l’incendier. Des cent vingt bâtimens que nous avons réunis dans ces parages, nous en avons converti plus de quarante en brûlots. » Ainsi faisaient encore au xviie siècle les amirautés de Hollande, de Zélande et de Frise. Ainsi ferons-nous à l’avenir. On a pu maintenir pendant de longs mois le blocus de Sébastopol et celui de Venise en restant mouillé devant l’entrée de ces deux ports. Il a fallu s’établir en croisière à l’embouchure de la Jahde et ne s’arrêter que quelques heures dans la baie de Dantzig le jour où nos escadres se sont trouvées exposées à l’attaque des bateaux-torpilles. Cet effet moral, qui fait présager