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sur le sol affranchi de l’Amérique du Nord, — des rencontres de patrouilles.

La fidélité des îles catholiques, Tine, Syra, Naxos, Santorin, n’avait pas été ébranlée par l’insurrection du Péloponèse. Les catholiques étaient trop disposés à rendre à César ce qui lui était dû ; ils voyaient dans le Turc un arbitre généralement favorable à leurs prétentions. Les orthodoxes n’en haïssaient au contraire que davantage le maître partial dont la balance semblait toujours pencher du côté de leurs ennemis. La soumission des îles où les Grecs de cette communion étaient en majorité ne pouvait donc résulter que du sentiment de leur impuissance ; mais cette impuissance était tellement notoire que la situation morale de l’Archipel n’avait jamais inspiré à Constantinople la plus légère inquiétude. Ce n’était ni Siphante, ni Milo, ni Paros qui oseraient les premières jeter le défi à l’empire ; le signal de la révolte ne pouvait venir que des îles albanaises ; restait à savoir si ces îles voudraient le donner. Riches, honorés, puissans, les primats hydriotes inclinaient très visiblement à l’abstention. Ils ne pouvaient se dissimuler que la guerre serait longue et sanglante, qu’ils auraient à en supporter tous les frais, et que, l’issue en fût-elle heureuse, ils en sortiraient probablement ruinés, s’ils réussissaient à en sortir la vie sauve. Aussi avaient-ils jugé prudent de donner au capitan-pacha, leur zélé protecteur, un gage non équivoque de leurs dispositions en dirigeant vers les Dardanelles le contingent annuel qui leur était imposé. Cette condescendance ne fut pas goûtée de la masse du peuple. Un soulèvement général éclata, et, sous la conduite d’un meneur énergique, Antonios Oikonomos, que nos officiers, se conformant à la prononciation moderne, appellent dans leurs rapports Antoine Économo, les classes inférieures s’emparèrent du pouvoir. Les primats déchus n’avaient qu’un désir : fuir ces lieux dangereux et se retirer à Zante. Le peuple les retint ; il gardait en leur personne les finances de l’insurrection.

Pendant qu’on s’agitait à Hydra, on prenait les armes dans l’île voisine. Le 24 avril 1821, huit bricks spezziotes enlevaient à Milo une corvette ottomane de trente-six canons et un brick de seize qui attendaient dans ce port le complément de leur équipage. En vain les primats de Milo, effrayés des terribles représailles auxquelles on les exposait, en vain le consul de France, M. Brest, dédaigneux des menaces que lui attirait son intervention, essayèrent-ils de sauver les prisonniers turcs. Cette guerre effroyable ne connaissait pas la pitié. Les Spezziotes firent main basse sur tous leurs captifs. Les équipages des navires marchands qu’ils avaient ramassés sur leur route furent massacrés avec ceux qui montaient le brick